Retour sur une élection bidon, destinée à maintenir au pouvoir un autocrate responsable d’une des crises parmi les plus graves qu’ait connues le pays.
À 85 ans et après pas loin de 36 ans de pouvoir, Paul Biya brigue un nouveau mandat : le septième ! Un président de la République à temps partiel, puisqu’il passe le plus clair de son temps dans les palaces suisses. Il n’aura pas dérogé à cette règle pour la campagne électorale, comptant certainement, pour masquer son absence, sur les affiches vantant « la force de l’expérience » qui ont envahi le pays. Mais Biya a peu de raisons d’être inquiet sur les résultats de ces élections à un tour qui se sont tenues le 7 octobre. L’Elecam, l’organisme, censé être indépendant, en charge de l’organisation du scrutin, sait fermer les yeux sur les fraudes massives. Une des raisons pour lesquelles les organisations progressistes du pays ont refusé de participer à cette mascarade.
Clientélisme et répression
Aucun des sept candidats ne représente réellement une alternative. Maurice Kamto, auquel s’est rallié Akere Muna, un autre poids lourd de la politique, a proclamé sa victoire électorale. Cet ancien ministre de la Justice (de 2004 à 2011) a fondé son propre parti, le Mouvement pour la renaissance du Cameroun. Son programme n’est qu’une succession de vœux pieux qui peinent à cacher sa complicité avec la répression qui s’est abattue sur la jeunesse en 2008 lors des émeutes de la faim.
Pour se maintenir au pouvoir, Paul Biya n’hésite pas à utiliser l’opération Épervier contre la corruption, mise en place depuis une décennie, qui lui permet surtout d’écarter dans son entourage ceux qui apparaissent, à tort ou à raison, comme une menace pour la pérennité de son pouvoir.
Il n’hésite pas non plus à utiliser l’armée. Celle-là même qui a été formée par les militaires français pour lutter contre les indépendantistes de l’Union des peuples du Cameroun (UPC) dans les années soixante, et qui continue son travail de répression contre les populations.
Le Cameroun est confronté à deux conflits armés majeurs : le premier à l’extrême Nord du pays, avec le groupe djihadiste Boko Haram qui traverse régulièrement la frontière nigériane pour recruter et mener des attaques contre les garnisons des principales villes de la région ; le second, au sud-ouest et nord-ouest du pays, avec les sécessionnistes anglophones.
Biya responsable de la guerre civile
Il y a deux ans se déroulaient, dans ces dernières régions, d’importantes mobilisations déclenchées par les avocats, suivis des enseignantEs et d’élèves, contre les discriminations que subissent les populations anglophones du pays. Le pouvoir a répondu, comme à son habitude, par une répression féroce, qui n’a fait que pousser la frange indépendantiste la plus radicale vers la lutte armée.
Utilisant les dispositifs anti-terroristes adoptés dans la lutte contre Boko Haram, le pouvoir s’en prend d’abord et avant tout aux civilEs. Villages incendiés, exécutions sommaires, arrestations et tortures deviennent monnaie courante. De l’autre côté, les mouvements indépendantistes armés imposent par la force et la violence leurs mots d’ordre de boycott des institutions du Cameroun. La population est prise en étau. Ainsi, déjà près de 300 000 personnes ont fui leur domicile pour échapper aux exactions des uns et des autres.
L’irresponsabilité répressive de Paul Biya a plongé le pays dans une guerre civile, et les répercussions économiques sont désastreuses pour l’ensemble des CamerounaisES, qui doivent vivre avec des services publics qui se délabrent au fil des jours.
Sa longévité au pouvoir, Paul Biya la tient aussi de la mansuétude des puissances occidentales, en premier lieu de la France qui, sous prétexte de lutter contre le terrorisme et de maintenir la stabilité de la région, continue à manifester son soutien diplomatique mais aussi ses aides militaires et policières.
Paul Martial