Publié le Lundi 17 février 2025 à 12h48.

Cameroun, la vérité sur les violences coloniales de la France

« Le rapport sur le rôle et l’engagement de la France dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d’opposition au Cameroun de 1945 à 1971 » écrit par une commission mixte d’historienNEs camerounais et français sous la direction de l’universitaire Karine Ramondy, et remis le 28 janvier dernier aux président Macron et Biya, démontre avec précision et détail « la violence extrême » employée par la France pour maintenir sa domination.

Le Cameroun n’était pas une colonie de la France mais de l’Allemagne qui l’a perdue à l’issue de la Première Guerre mondiale. Ce pays d’Afrique centrale est alors placé sous tutelle de la Société des Nations (l’ancêtre des Nations unies), qui donne mandat à la Grande-Bretagne d’administrer deux territoires de taille réduite, frontaliers du Nigeria, et le reste, près des trois quarts du pays, à la France.

Décolonisation violente

Cette dernière gère le Cameroun à l’identique de ses autres colonies en exploitant les populations. Après la Seconde Guerre mondiale, les premières luttes anticoloniales se font jour. Au Cameroun, se créé l’Union des peuples du Cameroun (UPC) fondée essentiellement par des syndicalistes. Leurs exigences est double, la réunification du pays et l’indépendance immédiate.

Le rapport met en relief les efforts de l’administration coloniale pour tenter de limiter l’audience de l’UPC en stigmatisant ses militantEs et en créant des partis pro-français, mais en vain. Le pouvoir colonial a interdit l’UPC et s’est rendu coupable du massacre d’Ekité en 1956 attaquant des civilEs désarméEs. La répression ne fait ensuite que croître. Les officiers français, pour la plupart des anciens d’Indochine, appliquent les méthodes de la guerre contre-révolutionnaire, notamment en déplaçant les populations pour les couper des combattants anticoloniaux et en pratiquant une politique de terreur par l’utilisation de bombes incendiaires larguées sur les villages.

Histoire cachée

En France, cette violence coloniale au Cameroun est largement occultée, comme d’autres, que cela soit à Thiaroye contre les tirailleurs sénégalais en 1944, un an plus tard à Sétif, à Madagascar et à Casablanca en 1947 ou en Côte-d'Ivoire en 1949. Elle reste cependant fortement ancrée au Cameroun car bien après l’indépendance, sous le gouvernement d’Ahmadou Ahidjo, la France a continué aux côtés de l’armée camerounaise à combattre les maquis upécistes jusqu’à la fin des années 1960.

Si la commission a eu un accès libre aux archives en France, ce ne fut pas le cas au Cameroun, et pour cause. Le président en place, Paul Biya, était dès 1962 dans le gouvernement Ahidjo. Ainsi pendant des décennies, il était interdit de mentionner les noms de Ruben Um Nyobè, Félix-Roland Moumié ou Ernest Ouandié dirigeants de l’UPC assassinés par les sbires de la France coloniale.

Les recommandations du rapport tournent essentiellement sur la reconnaissance officielle de la violence coloniale de la France. Cela permettra au moins que des individus comme Fillon ne puissent plus déclarer : « Je dénie absolument que des forces françaises aient participé, en quoi que ce soit, à des assassinats au Cameroun. Tout cela, c’est de la pure invention ! »

Paul Martial