L’exaspération généralisée de la population chinoise face à la politique « zéro covid » a donné lieu à un mouvement de contestation d’une ampleur inédite depuis 1989, qui se poursuit aujourd’hui.
Face à une vague nationale de manifestations, l’État chinois est pris dans le dilemme classique d’un régime autoritaire. Concéder et assouplir les mesures zéro-covid risque de confirmer que la protestation fonctionne et d’encourager d’autres personnes à s’organiser et à se battre pour leurs revendications. Mais ne pas céder pourrait pousser les manifestantEs à intensifier leur lutte et à inviter d’autres personnes à les rejoindre.
Quelle alternative au zéro-covid ?
Ces dernières années, l’État chinois a réussi à maintenir une sorte d’équilibre, combinant répression et compromis pour gérer et contenir le conflit social. Mais il n’a jamais été confronté à un mouvement de protestation d’une telle ampleur.
À mesure que les manifestations s’étendent et se radicalisent, certaines adoptant des slogans explicitement anti-gouvernementaux et anti-parti tels que « À bas le PCC » et « À bas Xi Jinping », la possibilité d’une répression de l’État augmente de manière exponentielle. Dans le même temps, il n’est pas inconcevable qu’une combinaison de répression sélective et de concessions limitées sur les restrictions de covid puisse étouffer les protestations. C’est ce qui s’est produit dans le passé, les manifestations urbaines se dissipant aussi vite qu’elles s’étaient rassemblées.
Cependant, même si l’État parvient à contenir les manifestations, le problème qui nous a conduits dans cette situation demeure. La Chine n’est probablement pas prête à abandonner le zéro-covid. Si elle le faisait, sans un système légitime de vaccination de masse, le virus se propagerait massivement dans une population qui a reçu des vaccins chinois inefficaces ou qui n’est pas vaccinée, notamment les personnes âgées.
Une telle épidémie submergerait les hôpitaux et même un faible taux de mortalité entraînerait, dans un pays de 1,4 milliard d’habitantEs, une mortalité massive sans précédent. Une modélisation réalisée par des scientifiques chinois estime qu’au niveau actuel de vaccination et de capacité hospitalière, l’ouverture pourrait entraîner 1,55 million de décès.
Une telle catastrophe pourrait provoquer une crise de légitimité encore plus grave pour l’État chinois, ce qui a probablement fait partie de ses calculs pour maintenir le zéro-covid. Il est indéniable qu’en l’absence d’un vaccin adéquat et de mesures de santé appropriées, les restrictions sévères ont sauvé des vies en Chine.
Radicalisation de masse
L’ouverture n’est pas envisageable sans un investissement massif dans le système de santé et la vaccination des personnes âgées. De nombreux analystes se sont demandé pourquoi cela n’a pas été fait. Mais le faire maintenant prendra du temps, ce que les manifestantEs pourraient ne pas tolérer.
Le parti est si opaque que nous avons peu d’idées sur ce qu’il est susceptible de faire. La direction récemment remaniée et composée de fidèles de Xi ne montre aucun signe de désunion, il est donc peu probable qu’il y ait une fissure dans le parti et un débat ouvert entre les factions en public.
Quelle que soit l’issue immédiate des manifestations, les gens ordinaires en Chine sont radicalisés par cette expérience et beaucoup se sont auto-organisés. Cela a considérablement élevé la conscience de masse et l’expérience de la lutte pour la justice restera en eux, quelle que soit l’issue. C’est de bon augure pour l’avenir.
Dans les jours à venir, les forces de droite des autres grandes puissances mondiales pourraient bien exploiter la révolte d’en bas pour justifier des attaques contre la Chine. Mais notre solidarité avec les personnes qui protestent et dont les revendications sont enracinées dans les expériences concrètes et vécues ne doit jamais faiblir.
Soutenir les personnes qui protestent, par en bas, n’entraînera pas une escalade du conflit impérial mené par les États-Unis avec la Chine. En fait, notre solidarité populaire au-delà des frontières est le meilleur moyen d’atténuer les tensions et de construire une lutte internationale commune pour la justice, l’égalité et la démocratie, qui sont toutes menacées par nos gouvernants à travers le monde.
Traduction J.S.
Version intégrale (en anglais) sur http://spectrejournal.com