Publié le Vendredi 18 avril 2025 à 08h00.

Contre l’impunité des industries pétrolières au Nigeria

La mobilisation s’organise contre les multinationales qui tentent de partir laissant derrière elles des territoires ravagés par des marées noires.

Depuis des décennies d’exploitation pétrolière au Nigeria par les grandes majors occidentales, le Delta du Niger est totalement dévasté. Ce sont d’immenses étendues de terre et de mangrove totalement souillées par le pétrole détruisant le vivant. Les moyens de subsistance des populations, comme la pêche et l’agriculture, sont anéanties. Il n’y a plus d’eau potable, et l’air est pollué par les dizaines de torchères qui brûlent en continu.

Fuir ses responsabilités

Les principales industries pétrolières prennent la fuite et vendent leurs installations à des sociétés nigérianes. Leur but est de se débarrasser des puits, devenant moins rentables et dangereux en raison de leur vétusté. C’est aussi un moyen de partir en se soustrayant à leur devoir de dépollution et de dédommagements financiers pour les populations des communautés Ogale et Bille. C’est ainsi que TotalEnergies (toujours dans les bons coups) a vendu ses actifs à la société Chappal Energies pour 860 millions de dollars. La société italienne ENI a cédé ses actions à l’entreprise Oando, et Exxon Mobile a fait de même au profit de la société Seplat Energy. Toutes ces ventes ont pu être réalisées avec la bénédiction du président du Nigeria, Bola Tinubu, ancien comptable de Mobil Nigeria, dont le neveu est propriétaire de la société Oando.

Pour ces majors occidentales, il ne s’agit pas de quitter le pays mais seulement de brader leurs vieilles installations et de s’orienter vers l’offshore qui présente l’avantage que les pollutions seront plus difficilement documentables par les ONG.

Le procès Shell

Shell s’apprêtait à faire de même avec l’aval du ministère des Ressources pétrolières. Le montant de la transaction avec Renaissance Africa Energy Company Limited, consortium de quatre entreprises, s’élevait à 2,4 milliards de dollars mais le parlement et l’agence de règlementation sous la pression des ONG s’y sont opposés. Dans le même temps, les membres des communautés Ogale et Bille ont mené des actions judiciaires à Londres contre la société anglo-néerlandaise qui reste la plus importante du Delta du Niger. Désormais, l’affaire est instruite par la Haute Cour du Royaume-Uni.

La défense de Shell est d’expliquer que l’essentiel des fuites d’hydrocarbure qui souillent la nature sont dues aux détournements effectués par des trafiquants. Pour contrer ces arguments, Amnesty International, partie prenante de cette lutte, a dû analyser des dizaines de milliers de données montrant la vétusté des installations, notamment la corrosion des pipelines. Elle a pu le faire grâce à la mobilisation de 3 545 volontaires provenant de 142 pays pour examiner méticuleusement chaque document, chaque image. 

L’exigence est que Shell procède aux travaux de dépollution et verse des dédommagements aux populations ayant subi ces graves préjudices.

Paul Martial