Publié le Vendredi 10 décembre 2010 à 15h40.

Défendre la souveraineté alimentaire des peuples

En octobre dernier, l’IFPRI (Institut international de recherche sur les politiques alimentaires) a sorti coup sur coup son rapport «Réduire la faim de moitié. Atteindre le premier objectif du Millénaire pour le développement par «une approche inhabituelle»»(sic!) puis son pendant «2010Indice de la Faim dans le Monde. Relever le Défi de la Faim, Objectif: Eradiquer la Sous-alimentation Infantile». Selon cet institut, «les efforts visant à atteindre l’objectif de réduction de la faim se sont fortement écartés de leur voie et le monde s’éloigne de plus en plus de l’objectif fixé.» Par rapport aux pratiques de ces dix ans passés, la «réduction de l’extrême-pauvreté et de la faim» en 2015, comme le fixait le système des Nations Unies en 2000 pour 2015, ne sera pas atteinte… A priori ces constats confortent les militants de terrain qui ne cessent d’alerter sur la persistance de la faim dans le monde (où il est maintenant avéré que le milliard de personnes souffrant de ce fléau a été franchi en 2009) voire sur son aggravation en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, et même – ajoutons-nous – sur une insécurité alimentaire rampante, inhérente à des accaparements iniques de terres agricoles pour faire des agro-carburants, processus qui vont saigner des pans entiers des paysanneries et condamner les cultures vivrières.

La persistance de la faim dans le monde s’illustre particulièrement par la forte prévalence de la malnutrition infantile qui fait que 40% des enfants vivant en Afrique souffrent d’un retard de croissance. «En Afrique sub-saharienne, les politiques gouvernementales peu efficaces, les conflits, l’instabilité politique et le fort taux de prévalence du VIH/SIDA sont à l’origine du taux de mortalité infantile élevé et de la sous-alimentation d’une large partie de la population.» Les quelques pays (dont l’Angola et le Mozambique en Afrique) qui ont pu améliorer leur «indice de la faim» ont connu d’abord, et pour des raisons déterminées, un niveau relativement appréciable du Revenu national brut…

Les gouvernements devraient, selon l’institut, s’attaquer aux causes sous-jacentes de la sous-nutrition: insécurité alimentaire, manque d’accès aux centres de santé et à des soins de qualité, autant de facteurs exacerbés par la pauvreté et les inégalités, dont celles fondées sur le genre: «lutte contre les inégalités», glisse-t-il même dans le ton des naïves incantations du Système des Nations Unies, mais se ressaisit vite en disant qu’il faudrait aussi introduire davantage le privé et les économies émergentes dans ce processus de réduction de la faim…

En fait d’«approche inhabituelle» (re-sic!) il s’agirait, lisons-nous, de réformer le «système mondial de gouvernance». L’IFPRI oublie que c’est aux pillages et exploitations capitalistes qu’il faut s’attaquer car ils impliquent pauvreté et insécurité alimentaire pour les dominés.

Pierre Sidy