Publié par Afrique en lutte. Pour faire face à l’expansion de l’extrémisme religieux et du terrorisme, il faut préconiser la solution de la prévention par l’éducation, estime le Pr Bakary Sambe. Cet enseignant à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et spécialiste des mouvements djihadistes donnait, jeudi dernier, une leçon inaugurale lors du lancement du Master 2 Défense, sécurité et paix du Centre des hautes études de défense et de sécurité.
Comment combattre un ennemi diffus, insaisissable et parfois intérieur ? Que doit faire une armée conventionnelle devant un mouvement non conventionnel dont l’objectif est, entre autres, déstabilisation l’État voire la destruction en vue de lui substituer un État islamique ? Trouver une réponse à ces questionnements relève aujourd’hui d’un dilemme pour toutes les armées du monde, selon le Pr Bakary Sambe qui, par ricochet, ne manque pas de se poser la question de l’efficience de la solution strictement sécuritaire contre le terrorisme et l’extrémisme. D’autant plus que, prenant l’exemple de Boko Haram, il fait observer que ce mouvement, malgré tous les moyens militaires mobilisés contre lui par une coalition de pays, continue ses exactions macabres au-delà des frontières nigérianes.
Dès lors, le nouveau défi n’est-il pas la prévention pour éviter l’intervention qui semble n’avoir pas eu les effets escomptés ? A cette question, le Pr Bakary Sambe répond par l’affirmative. « La lutte contre le terrorisme en amont avec une politique de prévention par l’éducation, le renforcement des capacités, la résorption des inégalités et la promotion d’espaces de socialisation alternatives au tout religieux, aux surenchères ethnico-confessionnelles paraîtraient plus efficaces que les formes de guerres asymétriques », argue-t-il. Cet enseignant à l’université de Saint-Louis et spécialiste des mouvements djihadistes donnait, jeudi dernier, une leçon inaugurale à l’occasion du lancement du Master 2 Défense, sécurité et paix du Centre des hautes études de défense et de sécurité.
Etant d’avis que la radicalisation est « l’enfant issu du mariage entre l’injustice et l’ignorance », le Pr Sambe invite les gouvernants africains à agir sur les orientations éducatives et les programmes favorisant une plus grande inclusion des laissés pour compte afin d’éviter un plus grand émiettement des structures sociales et étatiques. « Au regard de son enjeu et de sa corrélation avec l’expansion des idéologies djihadistes violentes, la question éducative mérite aujourd’hui une intervention étatique africain, onusien, en faisant de la prévention par la socialisation le socle de la lutte contre le radicalisme religieux et l’extrémisme violent dans les décennies à venir », ajoute-t-il.
Dans la recherche de solutions, il appelle à intégrer la dimension anthropologique et à mettre à profit les ressources culturelles africaines en termes de médiation et de socialisation alternative. « Tant qu’on va continuer à privilégier l’intervention en lieu et place de la prévention par l’éducation et la justice sociale dans des régions où l’achat d’un vieux char coûte souvent plus cher que la construction d’une école, on ne s’en sortira pas », prévient-il.
Dans un autre registre, le Pr Bakary Sambe regrette le fait que le radicalisme religieux gagne du terrain sur le continent sous plusieurs formes au moment où les gens sont restés pendant longtemps enfermés dans de vieilles grilles d’analyse rarement renouvelées sur un islam africain qui serait naturellement et durablement pacifique. Cela est d’autant plus préjudiciable que, fait-il remarquer, « les pays du Sahel souffrent toujours d’une dualité du système éducatif avec l’école officielle francophone et la multiplication d’écoles coraniques, arabes, franco-arabes ». Ce qui, aux yeux du Pr Sambe, « représente un grand danger pour ce qui est de la cohésion nationale dans le processus de la construction de l’État sous sa forme jacobine ». Et, selon lui, dans les prochaines années, il y a à craindre que le choc des extrême, islamisme radical et christianisme évangélique deviennent source de tensions ethnico-religieuses, notamment en Côte d’Ivoire, au Nigéria, au Cameroun, au Bénin et dans une moindre mesure au Sénégal. Même s’il trouve louables les efforts faits par les autorités sénégalaises notamment dans la reconnaissance du bac et l’ouverture d’une section Arabe à l’Ena pour intégrer ces arabophones, le Pr Sambe n’en estime pas moins qu’il faut faire plus.
Par Elhadji Ibrahima THIAM