En fin de semaine dernière, la Première ministre Liz Truss annonçait sa démission après seulement 44 jours de mandat. Retour sur une crise qui est loin d’être terminée.
Le faux départ calamiteux du mandat de Liz Truss ajoute une crise politique majeure à une conjoncture marquée par une convergence de crises elles-mêmes d’une intensité rare : coût de la vie et explosion des prix de l’énergie ; signaux gravissimes du dérèglement climatique au cours de l’été 2022 ; impasse constitutionnelle inédite, issue du Brexit, liée à la situation nord-irlandaise, et menaces toujours plus nettes sur l’avenir de l’unité du Royaume-Uni ; le tout sur fond de renouveau de luttes syndicales et sociales d’ampleur depuis le début de l’été 2022.
Ardeur fanatique
Liz Truss aura eu le mérite d’avoir poussé jusqu’à l’implosion les termes de la norme idéologique qui détermine la forme historique de l’oppression de classe (souvent dite « néolibérale »). Truss aura en effet tenté de poursuivre, avec une ardeur groupusculaire authentiquement fanatique, la politique fiscale pro-riches, pro-lobbys pétroliers, pro-banques, qui a déjà présidé à l’exceptionnelle accumulation de richesses opérée en particulier en temps de désastre austéritaire, puis sanitaire, puis guerrier.
On peut compter sur cet épisode de chaos politique extrême au sommet du pouvoir pour étendre et enraciner un peu plus les aspirations indépendantistes en particulier écossaises et nord-irlandaises, mais aussi galloises. Chacune de ces nations a dû subir la quadruple calamité d’une austérité impitoyable depuis 2010 ; d’une sortie contrainte de l’UE (pour l’Écosse et l’Irlande du Nord) ; d’une perte de souveraineté dans l’utilisation des divers programmes de fonds structurels européens ; et maintenant d’un pouvoir manifestement dysfonctionnel et, à l’occasion, affichant un mépris assumé de la « périphérie ».
Du côté du Labour…
Reste l’élément le plus critique de la situation, à savoir : le Parti travailliste. Le problème est à la fois programmatique et organisationnel. Le naufrage de Truss a permis au Labour de gagner une avance considérable dans les sondages.
Cet écart ne correspond à peu près à aucune divergence sérieuse avec le parti encore accroché au pouvoir. Exemple parmi d’autres : immédiatement après avoir fait part de son souhait de défendre les salaires des travailleurEs du pays devant le TUC (Trades Union Congress — Congrès des syndicats), le leader travailliste Keir Starmer refusait, au cours d’entretiens accordés à divers médias, de soutenir la revendication salariale des infirmières et infirmiers du service national de santé dont la principale organisation, le RCN (Royal College of Nurses, 300 000 membres), a lancé la procédure de vote pour une grève majoritairement soutenue dans l’opinion, et qui serait alors la première depuis sa création, en 1916. À l’évidence, la jonction entre ce Labour et le mouvement social n’est pas pour demain.
Le Labour sombre chaque semaine un peu plus dans une dérive autoritaire consistant à écarter, suspendre, invalider toute candidature interne positionnée à gauche, notamment pour les prochaines législatives, et ce, à des motifs toujours plus futiles et selon un deux poids, deux mesures toujours plus grossier. Si cette haine factionnelle de la démocratie au sein du parti doit laisser présager de la manière dont le Labour gouvernerait le pays à l’avenir, il est clair dès lors que la crise politique récente signale un ensemble de problèmes et de dangers en rien limités à la déconfiture temporaire des seuls Tories au pouvoir.