En raison du fait colonial, certains syndicats de Martinique et de Guadeloupe ne sont pas reconnus comme représentatifs et font l'objet de discriminations. Une situation qui n'a que trop durée.Apparus fin XIXe siècle comme moyen de résistance, les syndicats en Martinique et Guadeloupe se sont structurés ensuite comme des Unions de confédérations françaises. Dans les années 60 et 70, le tournant anticolonialiste amena des syndicats à se transformer en syndicats indépendants : CGTM, CDMT, CSTM. D’autres militantEs, d’orientation maoïste, créèrent l’UGTM. Ainsi, à côté des organisations rattachées à des centrales de France, les organisations indépendantes ont signé – ou pas – des contrats de coopération avec des centrales françaises et celles-ci, en dehors du secteur de l’enseignement, ont acquis une nette majorité (80 % des voix aux Prud'hommes).
Démocratie syndicale tronquéeLa loi d’août 2008 censée établir plus de démocratie dans la mesure de la représentativité syndicale ne résout en rien la discrimination qui frappe les organisations des colonies. En effet, cette loi ne prend en compte que deux niveaux : l’entreprise et le niveau « national » (français). L’échelon guadeloupéen ou martiniquais est ignoré.Résultat : les organisations qui structurent véritablement le champ syndical de nos pays sont exclues du droit de se présenter à certaines élections du secteur public, du droit de faire campagne aux Prud'hommes auprès des salariés du privé dans les services publics, des financements pour ces élections ou tout autre sujet, du droit de faire bénéficier leurs salariéEs des douze jours annuels de formation syndicale, du droit de siéger dans de nombreux organismes paritaires, du droit d’être consultées lors de l’adoption des conventions Collectives « nationales » . Il y a donc limitation des droits de certainEs et inégalité installée par le pouvoir entre organisations au profit, comme par hasard, des moins combatives !
Anticolonialisme conséquentLa vieille revendication de l’abolition de cette discrimination a été relancée par la CDMT et a fait du chemin : déclaration d’une vingtaine d’organisations syndicales, associatives, politiques en 2006, prise de position des conseils général et régional, questions de parlementaires, proposition de loi déposée par un sénateur, promesse de ministre du Travail de régler le problème avant la fin de l’année (… 2008 !), engagement de Yves Jégo en février 2009 de faire admettre les organisations syndicales martiniquaises dans les organismes paritaires, signature ensuite de trois accords affirmant la « nécessité de la reconnaissance du fait syndical martiniquais ». Lors de la « conférence économique et sociale des outremers », la CDMT est intervenue ainsi que le député S. Letchimy. Le ministre Lurel a repris le sujet. Jean-marc Ayrault a évoqué une « mission sur le dialogue social ». Nouveau dilatoire ? En tous cas, la CDMT invite l’ensemble des parlementaires à une rencontre sur le sujet le 5 janvier.Lors de ladite Conférence, un responsable a affirmé que la CGT, par principe, refuse de construire des syndicats dans nos pays, en choisissant les contrats de coopération passés avec les syndicats amis. Il reste aux syndicats anticolonialistes déclarés (FSU, Solidaires…) – et plus généralement à tous les anticapitalistes conséquents – de se positionner sur ce juste principe. Internationalisme oblige, non ?Philippe Pierre-Charles