Publié le Samedi 3 mai 2025 à 08h00.

Le collectif Solidarité Kanaky bat son plein au meeting à Lille

Organisé par Survie Nord, le NPA-A Lille et l’Atelier d’histoire critique, le meeting en solidarité à la lutte du peuple kanak qui s’est tenu à la Bourse de travail de Lille le 26 avril dernier a rassemblé plus d’une centaine de personnes parmi lesquelles de nombreuses familles et jeunes kanak.

Une délégation de plusieurs militantEs issuEs du FLNKS (Front de libération national socialiste), du MKF (Mouvement Kanak en France) et de Union syndicale des travailleurs kanak et des exploités (USTKE) a livré au public un témoignage précieux de l’expérience coloniale et de l’actualité de la résistance face au processus de recolonisation de l’État français.

À un an de la révolte qui a éclaté à Nouméa et dans tout le pays à la suite du projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral en Kanaky-Nouvelle Calédonie, nous avons souhaité revenir sur les événements en donnant la parole aux militantEs engagéEs dans la lutte indépendantiste du peuple kanak.

L’État français revient sur le processus de décolonisation

Benoit Godin de l’association Survie a ouvert le meeting avec un éclairage sur l’histoire coloniale de la Kanaky. Il s’agit bel et bien d’une colonie de peuplement sleon les organisations internationales comme l’ONU et les kanak qui en font l’expérience directe depuis bientôt deux siècles. La population autochtone constitue aujourd’hui 40% de la population globale et se retrouve en minorité. « Les accords de Nouméa de 1998, encore en vigueur aujourd’hui, constituent une chance historique pour la France de sortir par le haut de son histoire coloniale », explique Benoît Godin. Toutefois, l’État français a décidé de mettre à mal le processus de décolonisation en imposant la tenue du troisième référendum en pleine crise du covid, contre la volonté d’une majorité des kanak qui ont massivement contesté cette décision en refusant de participer au vote. La France poursuit sa violence coloniale en réprimant durement la révolte légitime des kanak, en bloquant l’accès aux moyens de communication de la jeunesse, en déportant les militantEs politiques dans la métropole pour briser le mouvement.

« Il n’y a pas de démocratie dans une colonie »

Daniel Wéa du MKF explique l’importance du travail militant assuré par son mouvement qui vise à transmettre aux jeunes générations l’histoire de la lutte de leurs ancêtres afin de poursuivre le combat. Kanak signifie « hommes », il s’agit d’un combat universel dont les répercussions seraient très importantes pour les autres colonies mais aussi pour le peuple français. Il rappelle ensuite « qu’il ne peut pas y avoir de démocratie dans une colonie, le vote du dernier referendum n’a aucune légitimité ».

Frédérique Muliava, militante UC-FLNKS faisant partie des sept prisonnierEs politiques kanak déportéEs en France en juin 2024, prend alors la parole. Elle est aujourd'hui toujours sous contrôle judiciaire, bloquée dans l’Hexagone. Encore bouleversée par son expérience, elle raconte les conditions, très dures, de sa garde à vue et de la détention dans les prisons françaises.

Les accords de Nouméa ne sont pas finis

Puis elle reprend le fil des événements en revenant sur la loi constitutionnelle de mai 2024 qui enterre les accords de Nouméa en jugeant que le processus serait parvenu à son terme. Cela n’est pas la position des militantEs kanak : « les accords de Nouméa ne sont pas finis », affirme Frédérique Muliava, et le processus de décolonisation doit pouvoir se poursuivre. C’est pour cela qu’avec la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), les kanak ont organisé des mobilisations pacifiques dans tout le pays en réclamant la pleine souveraineté économique et politique.

Les inégalités sociales et économiques comme déclencheur de la révolte

Mina Kherfi, représentante en France de l’Union syndicale des travailleurs kanak et des exploités (USTKE) fait un point sur la situation sociale et économique qui est essentielle pour comprendre les causes de la révolte. Il ne s’agit pas d’une émeute mais d’une mobilisation qui s’inscrit dans un long vécu d’exclusion sociale et de privation matérielle. Un kanak sur deux aujourd’hui est au chômage. Les kanak sont les plus discriminéEs dans l’accès à l’emploi, au logement et aux loisirs. La loi qui aurait dû permettre de protéger les emplois calédoniens, notamment ceux des jeunes kanak et des calédonienNEs installéEs dans le pays depuis longtemps, est volontairement détournée par le patronat, majoritairement métropolitain. Cela est confirmé aussi par l’intervention de Iabe Lapaca, lui aussi militant du MKF, qui explique que « les jeunes résidant dans les quartiers défavorisés qui se trouvaient dans les barrages en mai 2024 ce sont les oubliéEs du développement économique des 40 dernières années ». C’est au mouvement de tirer le bilan du processus de décolonisation et « le mouvement, lui, ne ment jamais ». 

La recolonisation de la Kanaky ne se fera pas en notre nom !

Le NPA-A Lille clôture les interventions et encourage tout le monde à s’engager dans le collectif Solidarité Kanaky afin de soutenir concrètement la lutte pour l’indépendance du peuple kanak. Si la question de la Kanaky est structurante dans l’impérialisme français, la colonisation est aussi un instrument politique redoutable pour contrôler, exploiter et réprimer à l’intérieur du pays colonial. Si nous cautionnons la répression de la jeunesse kanak qui se révolte contre le processus de recolonisation et contre les inégalités, nous serons plus dociles et à même d’accepter la répression d’État et le cours autoritaire dans notre pays. La recolonisation de la Kanaky ne se fera pas en notre nom !

Hélène Marra