Au moment où ces lignes sont écrites, les médias américains regorgent de souvenirs des attaques du 11 septembre 2001 au World Trade Center et au Pentagone ; quelques réflexions critiques, mais la plupart dans une veine patriotique, qui regarde ce moment d’unité nationale avec nostalgie. Un interlude passager dans un pays dévoré par ses propres conflits internes.
Ce mois-ci, des millions d’ÉtatsunienEs ont perdu leurs allocations chômage, et des millions d’autres ne sont plus protégés contre les expulsions. Le programme fédéral d’indemnisation est en train de prendre fin alors que la reprise économique tarde à arriver. Les estimations indiquent que 7,5 millions d’ÉtatsunienEs perdront les allocations complémentaires de chômage d’un montant de 300 dollars par mois (avant elles étaient de 600 dollars par mois). La plupart des ayants droit ont déjà épuisé la période d’assistance-chômage de 26 semaines, tandis que d’autres pourraient encore être éligibles aux prestations.
Les Républicains estiment que les allocations sont plus élevées que les salaires, ce qui n’incite pas les travailleurEs à retourner à leurs emplois. De leur côté, les Démocrates sont occupés à faire avancer un programme de plusieurs milliers de milliards de dollars d’investissements pour reconstruire l’infrastructure du pays, lutter contre le changement climatique et fournir des services sociaux comme la garde d’enfants. Il est donc improbable que le Congrès approuve une nouvelle loi sur l’allocation chômage.
Crise sociale et crise sanitaire
La Cour suprême des États-Unis a en même temps empêché l’administration du Président Joseph Biden de poursuivre la moratoire sur les expulsions. Le Congrès a mis à disposition 46,5 milliards de dollars pour fournir une assistance aux propriétaires et aux locataires mais seulement 5,1 milliards ont effectivement été distribués, surtout à cause d’obstacles bureaucratiques comme la complexité des formulaires de demande et la lenteur de la procédure.
De nombreux locataires ne sont toujours pas au courant de l’existence du programme et des modalités pour présenter une demande ; les propriétaires essaient en même temps de s’opposer aux tentatives de recours au programme de protection de la part des locataires. 5 à 10 millions de ménages ont du retard dans le paiement des loyers et beaucoup d’entre eux, ayant perdu leur travail pendant la pandémie, ont plusieurs milliers de dollars de dettes hypothécaires ou de loyer. Parmi les centaines de personnes qui ont manifesté à Brooklyn contre la fin du moratoire, un certain Fabien Rogers s’est exprimé de la sorte : « Comment peuvent-ils autoriser les expulsions quand les gens ont reçu si peu d’argent ? »
En même temps, la crise du covid continue à frapper avec environ 1 500 nouveaux décès chaque jour, qui font monter le nombre total des morts à plus de 660 000. Les décès récents sont liés au variant Delta et touchent les personnes non vaccinées ; 13 % de la population refuse encore catégoriquement de se faire vacciner. Jusqu’à maintenant, aux États-Unis, seulement 69 % des personnes éligibles ont reçu les deux doses de vaccin ; dans certains États, le taux descend à 40 %. Les personnes non vaccinées sont concentrées dans les zones rurales et dans les États républicains du Sud et de l’Ouest du pays.
Obligation vaccinale
Dans l’espoir de mettre fin à la pandémie et de pouvoir ainsi relancer l’économie, Biden a rendu le vaccin obligatoire pour 100 millions de travailleurEs des secteurs privé et public. Selon la nouvelle réglementation, les travailleurEs doivent soit se faire vacciner soit se faire tester toutes les semaines. Le président bénéficie du soutient des Démocrates, y compris l’aile progressiste, et de la plupart des entreprises, y compris celles qui avaient soutenu Trump. Certains syndicats encouragent la vaccination et le port du masque ; d’autres demandent la possibilité de négocier en cas d’obligation. Les syndicats représentent 11 % des travailleurEs américains dont seulement 6 % travaillent dans le secteur privé tandis que 15 % viennent du secteur public ; il n’y a pas beaucoup de luttes pour l’instant, ce qui signifie que leur influence sur la décision d’obligation est plutôt limitée. La prochaine étape importante va être celle de l’approbation du vaccin pour les 5-12 ans. Les gouverneurs républicains s’opposent à l’obligation et ont interdit aux gouvernements locaux, aux districts scolaires et aux sociétés privées de l’imposer dans leurs États.
La réouverture des écoles se fait en l’absence d’une politique commune sur la vaccination ou sur le port du masque, les décisions sont en effet prises d’une manière autonome par chaque État et chaque district scolaire. Il y a eu quelques petites contestations sporadiques dans les lieux de travail du pays, généralement conduites par des soutiens de Trump, des adeptes de Q-Anon ou des antivax.
La gauche étatsunienne, dans son ensemble, n’a bizarrement pas pris position sur l’obligation de la vaccination, des tests et du port du masque. L’extrême gauche est pour l’instant absente du débat le plus important du pays.