Au moment où cet article était écrit, il est prévu qu’un tribunal militaire prononce le 18 octobre son jugement concernant 15 travailleurs des chantiers navals d’Alexandrie, en détention provisoire depuis plus de quatre mois.
Ceux-ci sont poursuivis suite à une mobilisation revendiquant notamment de meilleurs conditions de travail, l’assurance santé pour les familles des salariés, une compensation financière pour les travaux dangereux, ainsi qu’une augmentation de salaire.
Le « crime » qui leur est reproché est d’avoir « poussé les travailleurs à cesser le travail ainsi qu’avoir appelé à des rassemblements et organisé une mobilisation à l’intérieur de l’entreprise visant à bloquer la production ». En d’autres termes, des actes conformes aux conventions internationales en vigueur concernant les droits des salariés, et dont l’Égypte tout comme la France sont signataires.
Attaques contre la révolution de 2011
Les faits remontent à mai 2016, lorsque le militaire qui dirige cette entreprise, devenue en 2003 propriété du ministère de la Défense, avait renvoyé chez eux 2 400 salariés avec le tiers de leur paye normale et lancé des poursuites contre 26 salariés pour « incitation à la grève » et « refus de travailler ».
En août, sous la pression de la campagne de solidarité en Égypte et dans le monde, 600 travailleurs ont été autorisés à retourner au travail. Immédiatement, un nouvel accident mortel dans l’un des ateliers a montré le mépris de la direction pour les règles de sécurité.
Toutes ces poursuites font partie d’une attaque généralisée ayant pour but de remettre en cause les acquis de la révolution de 2011 au moyen d’attaques contre les travailleurs, les opposants politiques et les mouvements de la jeunesse, dont ceux des étudiants. Terroriser les travailleurs a également pour but de parvenir à imposer les politiques d’austérité...
Vague de solidarité
La persécution subie par les salariés des chantiers navals a suscité une vague de sympathie parmi les travailleurs d’Égypte. Un comité de soutien mis en place par des révolutionnaires et des militants des droits de l’homme a reçu le soutien de syndicats indépendants, ainsi que de leaders de la jeunesse et du syndicalisme. Le comité a également organisé de nombreux meetings au Caire et à Alexandrie, agissant aussi dans les réseaux sociaux. Des personnalités ont lancé une série de vidéos condamnant les procès militaires.
Des actions de solidarité ont également eu lieu à l’extérieur de l’Égypte, avec des centaines de syndicalistes et de militants politiques de nombreux pays ayant signé des pétitions demandant la libération des salariés.
La solidarité avec les salariés poursuivis et la pression pour leur libération ne servent pas uniquement les intérêts du mouvement ouvrier. Elles font partie de la lutte pour la démocratie ainsi que de la bataille contre l’austérité.
Responsabilité de l’État français
Le chantier naval concerné travaille dans le cadre des contrats d’équipements militaires passés entre les gouvernements français et égyptiens. C’est en effet à cette entreprise que la société française DCNS a sous-traité la construction de trois des quatre corvettes Gowind. En tant que donneur d’ordre, le pouvoir français est donc partie prenante de la dégradation des conditions de travail et de vie des salariés... ainsi que de cette répression.
Il n’a jamais pris de mesure concernant la violation des droits de l’homme en Égypte et continue à passer des contrats d’armements, avec notamment la vente de 24 Rafale, un satellite militaire et d’autres projets à venir.
Nous exigeons que le donneur d’ordre, c’est-à-dire l’État français, assume ses responsabilités en intervenant auprès du pouvoir égyptien pour l’arrêt de toutes les procédures engagées, la libération immédiate des salariés détenus et la satisfaction des revendications des salariés des chantiers navals.
Dominique Lerouge
Nombreux documents disponibles sur Europe solidaire sans frontières : www.europe-solidaire.org