Les images ont fait le tour des réseaux sociaux : des charges de soldats et de policiers d’une violence inouïe contre les manifestantEs de la place Tahrir, l’acharnement des forces de l’ordre, la volonté de blesser, mutiler, humilier… Avec au final, une dizaine de morts supplémentaires ce week-end.
Pour le Conseil suprême des forces armées (CSFA) qui a pris le pouvoir après le départ de Moubarak en février dernier, l’heure est à la reprise en main. Il s’agit de traiter les opposants comme de vulgaires voyous et de les isoler, avec la volonté d’attiser la colère et la panique au sein d’une population encore largement rurale, toujours soumise à une propagande incessante.
Cette offensive fait suite à des mois de harcèlement au cours desquels l’armée n’a eu de cesse de condamner devant ses tribunaux des dizaines de milliers d’égyptiens anonymes, coupables de croire en la démocratie, avec toujours les mêmes méthodes de torture pour extorquer les aveux.
L’heure est en même temps à essayer de stabiliser la situation grâce aux élections. Les militaires n’ont aucune raison de les craindre même si le « coup d’état constitutionnel » destiné à leur donner légalement tous les pouvoirs a fait long feu, il y a quelques semaines. Les Frères musulmans ne veulent pas être de simples marionnettes entre les mains du CSFA, mais ils feront tout pour préserver un ordre social qui devient chaque jour plus insupportable avec l’augmentation des prix, le sous-emploi…
Pourtant l’armée (qui contrôle directement 25 % de l’économie) et la classe dominante auraient tort de se réjouir si vite. La révolution est un processus de longue durée, avec ses flux et ses reflux.
La naissance d’un mouvement ouvrier indépendant est à peine entamée, et déjà la vague de grèves qui secoue régulièrement le pays est la plus importante depuis la chute de Moubarak. Tout ne se joue pas place Tahrir loin de là, ou dans les urnes.
Le peuple d’égypte, sa population laborieuse, les femmes qui luttent pied à pied pour leur émancipation, doivent pouvoir compter sur notre solidarité.
Jean-François Cabral