Presque tous les médias en Grande Bretagne mais aussi dans la France « républicaine » rendent hommage en ce moment à ce long règne d'une « grande dame », « en phase avec son peuple » et qui symboliserait les traditions immuables d'une Angleterre éternelle. La réalité derrière cette fable est bien plus sombre.
Une tradition « inventée »
En fait la tradition « immuable » de la famille royale a connu bien des ruptures et pas des moindres en 1649 lors de la Révolution anglaise quand le roi a été décapité ! La bourgeoisie ayant pris le pouvoir, il y a eu des tentatives de restaurer une monarchie absolue mais en 1688 l'aristocratie a dû accepter le compromis de ce qui deviendra par la suite une monarchie constitutionnelle avec le pouvoir fermement aux mains des capitalistes.
Pendant longtemps la monarchie restera assez discrète. La plupart des rituels et cérémonies qu'on associe aujourd'hui avec un passé lointain ont été inventés beaucoup plus récemment, dans la deuxième moitié du 19ème siècle pendant le règne de la reine Victoria. Au milieu du 19ème siècle, l'industrialisation capitaliste crée des ravages parmi la nouvelle classe ouvrière des villes et suscite de nombreuses révoltes contre les inégalités et l'injustice. C'est alors que la décision est prise de mettre la famille royale en avant, d'en donner une image populaire et de l'entourer de toute cette imagerie de carrosses, de couronnes remplies de diamants qu'on croirait sortis d'un conte de fée. L'hymne national fut popularisé – il n'avait même pas été chanté lors du couronnement de Victoria et tout le système des médailles accordées par la reine ne fut introduit qu'en 1917. Les victoires de l'Empire furent l'occasion d'organiser de grandes fêtes populaires derrière la nouvelle « Impératrice » Victoria, symbole d'une nation unie mais aussi d'une société inégalitaire qui aurait existé depuis la nuit des temps et qui ne pourrait pas changer. Pendant tout le 20ème siècle et jusqu'à aujourd'hui la mise en scène d'une succession d'obsèques, de jubilés ou de mariages de la famille royale ont cherché à encourager l'admiration et l'émerveillement devant une situation totalement absurde – des individus qui possèdent des richesses obscènes simplement à cause d'un accident de naissance. Mais quelle meilleure manière de justifier l'existence (éternelle) d'un monde capitaliste basé sur les mêmes injustices !
Richesse obscène
La richesse de la reine ? Difficile de connaître la somme exacte mais on estime à 1,5 milliards d'euros sa richesse personnelle mais c'est sans compter les châteaux, les terres, les tableaux, les bijoux et autres collections royales qui appartiennent à l'Etat mais dont jouit pleinement la reine et dont la valeur est estimée à environ 15 milliards d'euros. Comme argent de poche, elle peut aussi compter sur les 50 millions (l'argent des contribuables) votés par le parlement chaque année puis des dizaines de millions pour les occasions « exceptionelles » comme le mariage de son petit fils William (20 millions), par exemple.
Relents racistes voire fascistes
Il y a quelques années, des photos de Harry, frère de William et deuxième fils de Diana, ont fait scandale quand il apparaissait habillé en uniforme nazi lors d'une « fête ». Il a prétendu que c'était juste pour « blaguer ». Mais d'autres dans sa famille ont fait plus que des « blagues » très douteuses. Dans les années 30, le Prince Edward avait lié amitié avec Adolf Hitler et soutenait ouvertement les Nazis qui avaient prévu, en cas de conquête du Royaume Uni, de le mettre sur le trône. Il est souvent dit d'ailleurs qu'il a été obligé à abdiquer non pas à cause de sa volonté d'épouser une Américaine divorcée mais à cause de ses sympathies politiques. Mais il n'était pas le seul dans la famille. Plusieurs des sœurs du mari de la Reine Elizabeth, le Prince Philip de Grèce et du Danemark (!), ont épousé des Nazis – deux de leurs enfants recevant le nom d'Adolf. Quant à Philip lui-même, pendant toute sa vie, il n'a pas arrêté de sortir des remarques racistes, sur les « chintoks » et autres. La Princesse Margaret est sortie d'une projection de la Liste de Schindler après 10 minutes, se plaignant que c'était un film ennuyeux sur les Juifs et en déconseillant à son majordome d'aller le voir. Enfin, la Reine mère n'était pas plus « fine », mais la liste est longue.
Neutres et inoffensifs ?
Il y a encore beaucoup de gens en Grande Bretagne qui souhaitent garder la monarchie. Seulement 20% voudraient une république. « Ils sont bons pour le tourisme », « Ils ne font pas de mal », « Ils n'ont pas de pouvoir politique », « Ils sont neutres », etc. Malheureusement, ils sont loin d'être neutres et inoffensifs. En privé, la reine et encore plus le Prince Charles font connaître leurs points de vue au gouvernement. Des lettres privées de Charles, révélées récemment, montrent un véritable volonté de harceler sur une série de questions. Mais plus que leur influence personnelle, c'est leur existence même qui donne aux membres de la famille royale et la monarchie en générale leur utilité pour le système. Car, plus des millions de gens continuent à respecter des gens qui vivent dans un luxe inimaginable, moins ils seront susceptibles de mettre en cause une société tout aussi inégalitaire et injuste. Et on peut être sûr que si un jour un soulèvement populaire risquait de mettre en cause l'ordre établi, les premiers qu'on sortirait pour appeler à l'unité nationale voire à l'écrasement des rebelles, ce serait Elizabeth et toute sa clique. Ils n'ont rien d'une gentille attraction touristique. Ils sont bien des parasites très nuisibles.
Ross Harrold