Le 17 juin, de nouvelles élections législatives avaient lieu en Grèce. La coalition de gauche radicale Syriza qui était souvent en tête des sondages, est finalement arrivée en deuxième position derrière la droite de Nouvelle démocratie..Syriza triomphe et… perd les élections, mais peut-être n’est-ce que partie remiseIl s’en est fallu d’un rien, 2,77 % des voix, pour que la coalition de la gauche radicale (Syriza) gagne les élections grecques et parachève triomphalement l’extraordinaire montée en flèche de son score électoral qui est passé de 4,5 % à presque 27 % en moins de trois ans ! Cependant, la droite coalisée de Nouvelle Démocratie et ses acolytes de tout bord (les vieux sociaux-libéraux du Pasok et les apprentis sociaux-démocrates de la Gauche démocratique) ont tous le droit de pousser un ouf de soulagement : la menace de la formation d’un gouvernement de gauche abolissant les mesures d’austérité vient de s’éloigner, au moins pour l’instant…
Le soulagement est d’ailleurs général parmi ceux d’en haut qui nous gouvernent et nous affament. L’euro s’envole, les marchés respirent, Mme Merkel exulte et l’Internationale dite « socialiste » des Papandréou et Hollande se félicite de la « défaite » de ces empêcheurs de tourner en rond nommés Tsipras & Co. Alors, fin du cauchemar qui a vu les cobayes grecs se révolter et occuper le « laboratoire Grèce » ? La réponse est un Non catégorique. Le cauchemar est ici pour y rester et tout indique que le nouveau gouvernement grec sera fragile et faible, miné par ses contradictions internes, la crise qu’il ne maîtrise pas et, surtout, par la résistance grandissante du peuple grec…
D’ailleurs, une analyse un peu plus approfondie des résultats électoraux de Syriza témoigne des lendemains qui déchantent pour les partisans des plans d’austérité. Syriza prend le large dans les tranches d’âge de 18 a 45 ans et s’assure un vrai triomphe dans les grands centres urbains comme le grand Athènes, Le Pirée ou Patras où vit et travaille plus de la moitié de la population grecque. En somme, Syriza s’assure le soutien de la population active et jeune tandis que les partisans de la Troïka et de l’austérité (La Nouvelle Démocratie et Pasok) survivent grâce à l’appui de la grande majorité des gens âgés (+65 ans) et de la campagne grecque. Une réalité sociale politique de très mauvais augure pour la réaction grecque et ses patrons internationaux si on pense que ce sont exactement ces tranches d’âge et ces populations urbaines qui traditionnellement font l’histoire des pays du Nord…
S’il y a donc une leçon à tirer de ces élections grecques, c’est que Syriza domine désormais chez les travailleurs et les chômeurs, la jeunesse et les quartiers populaires, les bastions historiques de la gauche communiste, là où le PC grec (KKE) gardait jusqu’à peu une présence incontestée. Le changement est de taille, il est historique, vu que ce KKE qui dominait Syriza jusque il y a encore deux ou trois mois, est maintenant réduit a une influence électorale marginale (4,5 %) après avoir subi une véritable hémorragie de militants et sympathisants au profit de la coalition de la gauche radicale.
À vrai dire, la recomposition de fait du paysage de la gauche grecque est presque totale, si on ajoute une autre, et encore plus grande hémorragie, celle subie par la coalition des organisations d’extrême gauche Antarsya au profit toujours de Syriza. Étant réduit à un éloquent 0,33 % des voix, Antarsya doit maintenant tout faire pour éviter que sa crise ne conduise à un dramatique gâchis de milliers de militants révolutionnaires au moment où toute la gauche radicale grecque en a le plus besoin…
Cependant, il serait totalement faux de croire que Syriza aura désormais la vie facile, qu’elle peut se prévaloir de la fidélité permanente de ses 2 millions d’électeurs. Au moindre faux pas de sa direction, Syriza risque de tout perdre en un temps record car l’écrasante majorité de ses électeurs l’a soutenue non pas pour des raisons « idéologiques » mais pour qu’elle donne – et applique – des solutions radicales à ses problèmes vitaux. C’est pourquoi d’ailleurs, Syriza a énormément accéléré sa montée en flèche dès que l’objectif de sa campagne est devenu de gagner les élections et de former un gouvernement de gauche qui allait abroger tout de suite les mesures d’austérité. Et c’est, à l’inverse, pourquoi Syriza a perdu, pendant les trois derniers jours de la campagne, son avance – et avec elle les élections – parce que sa direction a tenté d’amadouer ses adversaires en rendant son programme et son discours moins radicaux.
Attention donc aux « faux pas » car les conséquences en seraient maintenant cataclysmiques : ceux qui en profiteraient ne seraient pas les ex-grands partis traditionnels, mais les tueurs néonazis « qui sont ici pour y rester ». Pas seulement dans les urnes mais surtout dans les rues où ils multiplient déjà les agressions assassines contre les immigrés et les militants de gauche. Malheureusement, l’impréparation de la gauche grecque devant la peste brune a permis que le serpent néonazi soit désormais bien sorti de son œuf. Il n’est jamais trop tard que pour cette gauche grecque se décide au plus vite à affronter le monstre naissant ne serait-ce que pour assurer son autodéfense…
Tout cela étant dit, il reste à tirer deux ou trois grandes leçons de l’expérience de ce Syriza formé, il y a bientôt neuf ans, de l’alliance ou plutôt du « mariage » d’un parti réformiste de gauche (Synaspismos) avec une douzaine d’organisations et courants d’extrême gauche. La première leçon est que l’unité est possible. La deuxième que cette unité paye. Et la troisième, que l’unité est possible et payante à condition qu’elle soit fondée sur la radicalité ! Par les temps qui courent, une expérience comme celle de Syriza mérite toute notre attention et – évidemment – notre solidarité internationaliste active. Car en Grèce la victoire de la gauche radicale reste possible et peut n’être que partie remise…
Giorgos Mitralias, le 19 juin