De vastes manifestations ont récemment eu lieu dans le nord-ouest de la Syrie, tant dans les zones contrôlées par le groupe djihadiste Hay’at Tahrir Sham (HTS) que dans celles gérées par l’armée turque, pour protester contre les déclarations du ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, appelant à la réconciliation entre le régime syrien et l’opposition.
Le principal slogan des manifestantEs syriens était : « Pas de réconciliation avec le boucher ». Deux manifestants ont été arrêtés et remis à la garde de la Turquie pour avoir brûlé le drapeau turc. Ankara n’a en effet aucune intention de défier le régime syrien et cela depuis bien longtemps. Le 19 août 2022, le président Erdogan a déclaré qu’« Ankara ne lorgne pas sur la Syrie et l’intégrité territoriale de la Syrie est importante pour la Turquie ». Tout en ajoutant que leur « principal différend est la lutte contre le terrorisme dans le nord de la Syrie ». En d’autres termes, Erdogan n’a aucune envie de s’opposer, et encore moins de menacer, le régime syrien.
Quelques jours plus tard, le ministre des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a déclaré que « la Turquie n’a pas de conditions préalables au dialogue avec la Syrie, mais [que] tout entretien doit porter sur la sécurité à la frontière ».
La démarche d’Ankara vers une normalisation avec Damas est motivée par deux objectifs principaux. Premièrement, Erdogan cherche à gagner des voix avant l’élection présidentielle de 2023, notamment en accélérant le retour forcé des réfugiéEs syriens en Syrie.
Au cours des deux dernières années, des signes d’une augmentation des attaques racistes et xénophobes contre les SyrienEs en Turquie ont été observés. Des milliers de SyrienEs ont déjà été expulsés, tandis qu’Erdogan a annoncé en mai que le gouvernement travaillait au retour d’un million de réfugiéEs syriens dans les zones sous contrôle sécuritaire turc dans le nord de la Syrie.
Deuxièmement, Erdogan espère saper les aspirations kurdes à l’autonomie en Syrie par des interventions militaires, tout en poursuivant sa répression à l’intérieur du pays. Ses récentes déclarations selon lesquelles « il est nécessaire de terminer ce qui a été commencé », font référence à une extension de la « zone de sécurité » de trente kilomètres de large conquise à plusieurs reprises par l’armée turque et ses mandataires armés syriens en 2016, 2018 et 2019.
Il ne faut pas se faire d’illusion sur les politiques d’Ankara ; elles ont constamment servi les intérêts politiques de la Turquie, qui vont à l’encontre de ceux du soulèvement syrien.
Paru dans le n° 409 de solidaritéS (Suisse).