Les enquêtes d’opinion indiquent que les citoyenEs espagnols sont parmi les plus favorables à l’Union européenne, et à une plus grande intervention de sa part dans les débats nationaux. Les raisons de cette situation sont historiques : dans notre pays, l’intégration européenne est identifiée à la fin de la dictature et à la normalisation démocratique.
Toutefois, la crise économique et la façon dont elle a été gérée depuis Bruxelles et Francfort ont eu pour conséquence le début d’un changement de perception à l’égard de l’UE.
Désaffection vis-à-vis de l’UE
Le point d’inflexion remonte à 2010, lorsque le gouvernement de Zapatero a appliqué les mesures dictées depuis Bruxelles, modifiant la Constitution en plein cœur de l’été pour rendre prioritaire le paiement de la dette. Le désenchantement produit par ce tournant a été le point de départ d’un important déclin des partis traditionnels. Le sauvetage des banques qui a été organisé peu après, par lequel des millions d’euros d’argent public ont été transférés au système financier, a favorisé la prise de conscience du fait que l’Union européenne était en réalité un projet conçu par et pour les seules élites.
De plus, la gestion raciste des arrivées de demandeurEs d’asile a rendu visible le fait que l’Union européenne n’était pas l’espace de solidarité et de frontières ouvertes auxquelles de nombreuses personnes croyaient. Heureusement, nous n’avons pas, dans l’État espagnol, de parti d’extrême droite qui véhiculerait, à une échelle de masse, un discours ouvertement raciste. La majorité des gens sont favorables à l’accueil des réfugiéEs, et de nombreuses villes se sont déclarées villes-refuges. L’accueil des demandeurEs d’asile a toutefois été fortement limité en raison de l’action des gouvernements nationaux -successifs et de l’UE.
Tous ces éléments ont conduit a une baisse de l’enthousiasme en faveur de l’Union européenne, même si cette désaffection est limitée par le fait que les gens ne perçoivent pas d’alternative viable à l’UE.
Les leçons du précédent grec
La pression brutale exercée en 2014 par l’Eurogroupe et la BCE sur le gouvernement de Syriza ont en outre montré à quel point la démocratie est limitée, dans l’Union européenne, par des marges très étroites. Mais la capitulation de Syriza a rendu difficile la tâche des forces du changement dans l’État espagnol.
Podemos est régulièrement confronté à cet argument : votre programme est très séduisant mais il est inapplicable au sein de l’Union européenne. Notre réponse consiste à expliquer que notre stratégie est très distincte de celle de Syriza : d’une part, parce qu’il est indispensable de prendre des mesures unilatérales de désobéissance à l’UE avant même de commencer toute négociation. Ainsi, ce n’est que sur la base d’une suspension du paiement de la dette extérieure et d’un contrôle démocratique des capitaux que l’on peut envisager une quelconque négociation avec les institutions européennes. Qui plus est, nous savons qu’une rupture avec les institutions et les politiques de l’Union européenne ne peut pas être envisagée dans une perspective nationale, mais seulement dans une perspective internationaliste, et de classe. Notre objectif n’est pas de prendre notre indépendance vis-à-vis de l’UE, mais d’en finir avec l’actuelle Union européenne en lui substituant une union solidaire des peuples d’Europe. Notre objectif ne doit pas être l’indépendance vis-à-vis de la BCE et de l’Eurogroupe, mais le démantèlement de ces institutions néolibérales et leur remplacement par d’autres structures, démocratiques et socialistes. Pour y parvenir, il est nécessaire de mener la bataille pour que le changement se déroule au niveau européen, en construisant une alliance des peuples et des mouvements en rupture avec les institutions néolibérales.
Alex Merlo, membre d’Anticapitalistas. Traduction J.S.