Environ 19,5 millions de téléspectateurs ont regardé la 96e cérémonie des Oscars, dimanche 10 mars, pour connaître les lauréats des meilleurs films, des meilleurs acteurs, etc. Ce fut un véritable spectacle et un événement très politique.
Les nominés pour les meilleurs films étaient eux-mêmes, dans de nombreux cas, particulièrement politiques. De manière très différente, Barbie et Poor Things étaient tous deux des films féministes, le premier ridiculisant et renforçant de manière contradictoire les stéréotypes féminins et le second – une combinaison merveilleusement étrange de Frankenstein et de Pygmalion (My Fair Lady) – dépeignant la lutte pour le droit des femmes à l’indépendance par rapport au contrôle des hommes et défendant leur droit à cette indépendance.
Oppenheimer nous a amenés une fois de plus à nous concentrer sur la menace de la bombe atomique avec laquelle nous vivons depuis plus de trois quarts de siècle. Maestro, le film sur Leonard Bernstein, traite de la difficulté – même pour les riches et les célèbres – d’être homosexuel au milieu du 20e siècle (tout comme Rustin, le film sur Bayard Rustin, le militant des droits civiques, qui n’a pas été nominé pour le meilleur film). Et American Fiction, qui explore le racisme dans la littérature et la vie d’un point de vue noir. Enfin, Killers of the Flower Moon dépeint les meurtres commis par des colons blancs pour acquérir frauduleusement des terres indiennes riches en pétrole en Oklahoma dans les années 1920.
Des luttes des acteurs et scénaristes d’Hollywood à l’Ukraine
Venons-en à la cérémonie des Oscars elle-même. Lors de l’ouverture de la cérémonie, Jimmy Kimmel, l’animateur de l’émission Jimmy Kimmel Live, qui présentait les Oscars pour la quatrième fois, a utilisé les dernières minutes de son monologue comique d’introduction pour parler de la grève des acteurs et des scénaristes, qui a duré 148 jours, et des problèmes qu’elle soulève. Il a déclaré : « Au fond, Hollywood est une ville de syndicats ».
Dans la section « in memoriam » des Oscars, l’Académie a rendu hommage au leader de l’opposition russe Alexeï Navalny, dont le portrait a été dressé dans le film Navalny (2022), qui a remporté l’Oscar du meilleur documentaire en 2023. Le meilleur documentaire de cette année a été Vingt jours à Marioupol, le récit de l’attaque russe sur cette ville ukrainienne. En acceptant son Oscar, Mstyslav Tchernov, le réalisateur, a déclaré : « Je serai probablement le premier réalisateur sur cette scène à dire : “J’aurais aimé ne jamais faire ce film” ». Il a poursuivi en disant qu’il souhaitait que la Russie n’ait jamais attaqué l’Ukraine et occupé ses villes, et il a appelé le gouvernement russe à libérer ses prisonniers militaires et civils.
Déshumanisation d’hier et d’aujourd’hui
Le réalisateur britannique Jonathan Glazer, dont le film en langue allemande La Zone d’intérêt a remporté le prix du meilleur long métrage international, un film sur un commandant nazi et sa femme vivant dans une « zone d’intérêt » confortable du camp de concentration d’Auschwitz où plus d’un million de Juifs sont morts, a profité de son temps de parole pour parler de la Palestine : « Notre film montre le pire de la déshumanisation. Nous sommes ici comme des hommes qui refusent que leur judéité et le souvenir de l’Holocauste soient détournés par une occupation qui a conduit tant de gens à s’affronter. Que ce soient les victimes du 7 octobre en Israël ou l’attaque en cours sur Gaza, tous sont des victimes de cette déshumanisation - comment résister ? » Il a dédié son film à la jeune fille qui figure dans son film et qui a résisté.
Un grand nombre de participants à la cérémonie portaient des pin’s avec la phrase « Artists for Ceasefire » (artistes pour un cessez-le-feu).
Hollywood, connu pour ses personnalités progressistes, produit de nombreux films politiques de qualité et certainEs Américains ont apparemment un appétit pour de telles vues critiques de notre pays. Même s’il est également vrai qu’Hollywood produit et que les Américains consomment beaucoup de cinéma de merde. Voilà, c’est tout. Je vais au cinéma.
Dan La Botz, traduction Henri Wilno