Publié le Mercredi 13 juillet 2022 à 13h00.

Grande-Bretagne : Boris Johnson s’en va, les problèmes demeurent

Retour sur la démission de Boris Johnson au Royaume-Uni, avec le point de vue de Dave Kellaway, membre d’Anticapitalist Resistance.

Le Parti conservateur est l’un des partis de la classe dirigeante qui a le mieux réussi dans l’histoire. Il a réussi à s’adapter à des circonstances changeantes pendant près de deux siècles. Il a gouverné beaucoup plus que les Travaillistes depuis la Seconde Guerre mondiale. En général, il a été capable de mettre en œuvre les politiques exigées par les secteurs dominants de la classe capitaliste britannique. Par exemple, le Thatchérisme a rompu avec le « One Nation Toryism » pour briser la résistance des syndicats et réduire sauvagement le coût du « salaire social » représenté par l’État-providence. Après le crash de 2008, les Tories ont réussi à persuader l’électorat que les travaillistes étaient aussi responsables que les banquiers, puis à mener un programme d’austérité sans résistance majeure. 

Risques d’une crise trop profonde

Le Brexit était toutefois une autre affaire. Le grand capital est pro-européen et trouve l’ensemble du projet Brexit contraire à ses intérêts. Le « fuck business » de Johnson exprimait très clairement cette contradiction. Bien sûr, vaincre Corbyn était aussi dans l’intérêt du capital, mais le faire par la victoire de quelqu’un comme Johnson, avec son impact négatif sur l’économie et son effet corrosif sur la confiance de la masse dans la probité de la politique, était un prix lourd à payer.

Le consentement des oppriméEs à leur propre exploitation est en partie obtenu en maintenant la confiance des gens dans les processus et institutions politiques. 

Trump ou Johnson ont gagné le pouvoir en s’opposant directement à la manière habituelle de faire de la politique. Johnson a remodelé le Parti conservateur et intégré toute une partie des partisans du parti UKIP/Brexit afin de remporter les élections de 2019. Auparavant, il avait utilisé des tactiques mensongères pour gagner le référendum sur l’UE. Plus précisément, il a menti sur l’argent qui serait disponible pour le NHS et sur la « menace » des migrants turcs. 

Les grandes entreprises – comme nous l’avons vu dans les années 1930 avec la montée du fascisme – sont prêtes à abandonner la politique parlementaire démocratique et à utiliser le fascisme ou le populisme de droite dure en période de crise profonde. 

Mais en temps « normal », elles préfèrent promouvoir la démocratie, car cela peut convaincre les masses qu’il est possible de chasser les gouvernements par les urnes ou de travailler à une alternative. Si les gens commencent à penser que tous les politiciens sont des menteurs, des forces politiques incontrôlables risquent de se développer. Les gens sont plus susceptibles de descendre dans la rue s’ils pensent que la politique à Westminster est une farce cynique.

Construire par en bas

Pour les travailleurEs en grève pour défendre leur niveau de vie ou pour lutter pour une société plus juste, cette crise des Tories est positive. Elle peut faciliter la victoire de leurs luttes si le gouvernement est plus faible. Si votre ennemi est en déroute, cela peut vous donner confiance. D’un autre côté, les travailleurEs ne trouveront que peu de soutien auprès de la direction du Parti travailliste de Starmer. Il est probable que nous serons confrontés à un gouvernement travailliste qui adoptera un type de politique similaire à celle mise en œuvre par Blair après 1997 – et le respect des économies budgétaires imposées par le précédent gouvernement tory et les patrons.

Les socialistes, à l’intérieur et à l’extérieur du Parti travailliste, doivent s’organiser pour soutenir tous les travailleurEs en lutte. Nous devons construire patiemment un programme radical de politiques pour un gouvernement travailliste. La mise en œuvre d’un tel programme dépend d’un mouvement très fort organisé dans les communautés et sur les lieux de travail. Même si les congrès du Parti travailliste adoptent des politiques progressistes, il ne faut pas croire que la direction du Parti travailliste les mettra en œuvre si les grandes entreprises y résistent.

Traduction J.S.

Version intégrale sur anticapitalistresistance.org