Judith Orr est une dirigeante du Socialist Workers Party (SWP) britannique. Nous l’avons interviewée lors de sa visite à l’Université d’été du NPA sur la situation en Grande-Bretagne après la constitution du nouveau gouvernement dominé par les conservateurs après treize ans de pouvoir travailliste. Quel est l’état des luttes depuis les élections ?Si l’on ne comptait que sur les directions syndicales, les perspectives seraient très sombres. Nous avons vu la principale confédération syndicale dire que nous ne pouvons pas avoir de manifestation contre l’austérité, que nous devons attendre mars de l’année prochaine, en 2011. Selon certains dirigeants syndicaux, il faut que les gens fassent l’expérience de l’austérité, parce qu’après ils seront en colère. Mais bien sûr, après six mois d’austérité, la colère peut se transformer en démoralisation. Donc il n’y a pas d’initiative nationale de la part des dirigeants syndicaux pour le moment. En revanche il existe des initiatives plus locales parties de la base : les travailleurs du métro de Londres vont être en grève en septembre, ainsi que les travailleurs de la poste.Après Blair et Brown, le parti travailliste est-il discrédité ?Avant les élections, un certain nombre de camarades pensaient que le parti travailliste était fini au niveau électoral du fait de la guerre en Irak, du néolibéralisme, etc. Mais on a pu voir que pendant les dernières semaines et les derniers jours avant les élections, beaucoup de gens se sont mis à dire qu’ils allaient voter travailliste, parce que la perspective d’un gouvernement des conservateurs était trop affreuse pour beaucoup de travailleurs. Et quand la coalition a été annoncée, des milliers de gens ont adhéré au parti travailliste.Qu’en est-il de l’extrême droite ?Le British National Party n’a pas avancé comme il le souhaitait lors des dernières élections. Il y a des tensions au sein du BNP. Mais ils ont tout de même obtenu 500 000 voix dans le pays, un gros score pour une organisation fasciste, ils sont toujours un danger. L’autre événement important durant les douze derniers mois, c’est l’émergence d’une nouvelle organisation, l’English Defence League. Elle a des liens avec le BNP dont plusieurs dirigeants participent au noyau de l’EDL en tant qu’individus. Mais l’EDL attire des hooligans, des racistes en général qui veulent se battre physiquement dans la rue. Le SWP a été au cœur des mobilisations de Unite Against Fascism, qui est la principale organisation nationale de mobilisation antifasciste. Quand l’EDL appelle à une mobilisation pour protester contre la construction d’une mosquée, nous appelons à défendre la mosquée, à montrer qu’il s’agit d’une ville multiculturelle. Dans quelles autres campagnes le SWP joue-t-il un rôle ?En réponse à la crise, nous nous sommes engagés dans une initiative qui s’appelle Right to Work (« Droit au travail »), qui a été lancée il y a plus d’un an lors d’une conférence rassemblant plus de 800 personnes – différents syndicats, des groupes de retraités, des groupes étudiants – et nous avons eu de nombreuses conférences depuis. L’idée est d’avoir un point focal national pour des campagnes qui affrontent le gouvernement, contre les mesures d’austérité. Right to Work appelle à une manifestation lors du congrès du parti conservateur le 3 octobre, avec le slogan que nous connaissons tous : « Nous ne paierons pas leur crise ! » Les militants britanniques suivent-ils ce qui se passe dans d’autres pays ? Quelles possibilités de collaboration internationales vois-tu ?Les événements en Grèce ces derniers mois ont été les plus exaltants. Des militants, des syndicalistes ont fait des tournées en Grande-Bretagne, ont parlé au cours de réunions de Right to Work et du SWP. C’était fantastique, cette impression que les gens n’acceptent pas passivement ce que les agences de notation et le FMI voulaient leur imposer. Nous suivons le mouvement contre la réforme des retraites en France, et nous essayons de faire connaître ces luttes à la classe ouvrière britannique, parce que nous avons besoin d’avoir conscience qu’il ne s’agit pas simplement d’un problème national. Face au discours de la classe dominante nous devons dire : « Non, nous ne voulons pas rendre la Grande-Bretagne compétitive, et nous ne voulons pas rivaliser avec d’autres travailleurs en France, en Allemagne ou en Grèce ». Avoir des réponses plus coordonnées à la crise au niveau international serait un excellent développement. Propos recueillis par Sylvestre Jaffard