La Grèce est sous pression de l’Union européenne qui veut lui imposer l’austérité. Les élections du 6 mai ont changé la donne, et le prochain scrutin du 17 juin risque de confirmer le refus des Grecs de payer la crise. «Let’s loook happy » (ayons l’air d’être contents), a recommandé Barack Obama à ses collègues au moment de la photo des dirigeants au G8 de ce week-end. François Hollande s’est déclaré satisfait des résultats du sommet et notamment d’avoir réussi à faire inclure le mot « croissance » dans le communiqué final : « Je considère que le mandat qui m’a été confié par les Français a d’ores et déjà été honoré ». Et allons donc ! En fait, cette déclaration du G8 n’est que verbiage sans conséquence ou annonce de mesures supplémentaires de libéralisation de l’économie. À l’instar de celles prônées par la Banque centrale et la Commission européennes.
Le vrai problème est l’approfondissement de la crise en Europe avec deux pays dans l’œil du cyclone : l’Espagne et surtout la Grèce. En Espagne, le système bancaire est de plus en plus fragilisé (au point d’avoir amené le gouvernement de droite à nationaliser la troisième banque espagnole : Bankia) et le taux d’intérêt exigé par les marchés pour acheter la dette publique s’élève considérablement. Mais c’est vers la Grèce que tous les regards se tournent. Le bon score de Syriza, premier parti de la gauche radicale, aux élections du 6 mai a souligné à nouveau l’impasse de l’austérité imposée au peuple grec.
Les dirigeants européens sont tiraillés entre deux objectifs. Le premier est de ne pas fragiliser la zone euro. Une sortie de la Grèce créerait un précédent avec des risques accrus de spéculation de marchés financiers toujours libres d’agir comme ils le veulent ; elle pourrait être annonciatrice du début de la fin de l’euro. Le second objectif est de ne pas céder sur les politiques d’austérité et de démantèlement des acquis sociaux.
Vis-à-vis de la Grèce, l’Union européenne refuse donc de dissocier soutien financier et mesures d’austérité (résumées dans un document appelé « mémorandum »). Céder sur le mémorandum serait un recul global susceptible d’encourager les peuples espagnol, portugais, etc. soumis à des tours de vis de plus en plus durs. Des pressions répétées sur les électeurs grecsPar leurs pressions et leur propagande, les dirigeants européens espèrent peser sur le résultat des nouvelles élections grecques du 17 juin en faveur d’une victoire de la droite et des sociaux-démocrates contre la gauche radicale et Syriza. Quitte à renégocier ensuite certains aspects du mémorandum avec un gouvernement qui en acceptera l’essentiel.
Dans ce contexte, les déclarations d’Alexis Tsipras, dirigeant de Syriza, consistent à mettre un pied dans la porte pour placer les dirigeants européens face à leurs contradictions : « Le 17 juin nous enterrerons le mémorandum. Nous voulons rester dans l’euro et l’Europe ne laissera pas tomber la Grèce par crainte de contagion. Mais, si tel était le cas, nous cesserons de rembourser la dette. » Quoique l’on pense de l’orientation générale de Syriza, à ce stade cette position apparaît profondément juste et mérite la solidarité de toutes les forces antilibérales et anticapitalistes en Europe.
Un affrontement essentiel est en train de se jouer autour de la Grèce. La suite, ce sont les événements qui en décideront. En Grèce, non seulement l’élection du 17 juin mais aussi le développement de formes d’auto-organisation unitaires capables de constituer, non seulement un instrument de résistance, mais un embryon d’alternative à un appareil d’État incapable et corrompu. En Europe, seront décisifs le développement de la crise, notamment en Espagne, et la capacité des mouvements populaires à peser sur les décisions des dirigeants. François Hollande ne s’est pour l’instant en rien démarqué de cette logique infernale qui, en Grèce, réduit salaires et retraites, remet en cause les conventions collectives, désagrège le système de santé et fait progresser de 40 % les suicides. Laurent Fabius lundi 21 mai a mis en garde les électeurs grecs s’ils ne « faisaient aucun effort » pour rester dans l’euro. Tout ceci préjuge mal de la renégociation du traité budgétaire européen que Hollande a annoncé vouloir obtenir.
À nous, en France et en Europe, de prendre l’initiative. L’enjeu est de briser l’isolement du peuple grec aux avant-postes de la lutte contre l’austérité en Europe. Il faut pour cela prendre des initiatives de solidarité et dénoncer la campagne contre Syriza et la gauche radicale.
Henri Wilno