Derrière le chiffre brut du chômage en avril, il faut en prendre en compte d’autres, encore plus désespérants : en un an, 6,3 % d’augmentation, et désormais 56,5 % des chômeurs le sont en longue durée. Les plus touchés sont les jeunes de 15 à 24 ans non scolarisés, dont 51,5 sont au chômage (31,2 en 2010). Six jeunes femmes sur dix sont chômeuses. De plus, seuls deux chômeurs sur dix touchent les allocations pleines. Comme le disent de nombreux chômeurs, leur espoir aujourd’hui réside surtout dans de petits boulots, souvent sans sécurité sociale. En outre, l’organisme du chômage, OAED, est soumis aux suppressions de postes qui rendent très difficile le service aux travailleurEs en recherche d’emploi : 25 % de personnel non remplacé (50 % dans une grande ville comme Larissa) alors que les demandes ont quintuplé. On le voit : l’organisation des chômeurs et des campagnes contre les licenciements devraient être une priorité pour des mobilisations unitaires.
Mais en lien avec cet axe, d’autres interventions sont urgentes : dans le domaine de la santé, la situation devient épouvantable. Ainsi, dans les hôpitaux, le manque de matériel, de personnels, menacent tout simplement l’accès aux soins. Par exemple, les médecins de l’hôpital de Rethymno en Crète recensent : « Le lundi, pas de permanence du cardiologue, ni trois autres jours ce mois-ci ; pas d’orthopédiste pour cinq jours, pas d’ORL pour dix jours. L’hôpital ne disposera pas des médecins voulus par la loi, il n’y aura pas moyen d’assurer le suivi des patients […] Le mémorandum a détruit nos vies et il continue en détruisant tout le secteur public de la santé et de la prévoyance, en le laissant sans financement » (Hebdo Epochi, 16 juin). Autre secteur touché, celui des soins psychiatriques : l’hôpital de Leros, où avait été mené un travail remarquable pour le sortir de la situation médiévale qui l’avait rendu tristement célèbre il y a plus de 20 ans, a lancé un appel au secours pour simplement pouvoir nourrir les malades, et la baisse de 55 % du budget des services publics de santé psychiatrique fait redouter un recul terrifiant dans ce secteur, alors que se multiplient les besoins. Autre secteur laissé à l’abandon, celui de la prise en charge des drogués, dont le nombre et la détresse augmentent en lien avec l’approfondissement de la crise.
Même si ce n’est pas évident pour l’Organisme mondial de la santé (mais « c’est presque sûr »), c’est aussi la situation désespérante liée à la crise économique qui explique l’augmentation très forte du nombre de suicides : + 22 % de 2009 à 2011, plus de 600 suicides en un an, sans compter les nombreuses tentatives. Derniers exemples de ce quotidien tragique : à l’arrivée de l’huissier venu lui annoncer son expulsion de l’appartement qu’il ne pouvait plus payer, un retraité s’est jeté dans le vide, dans un quartier populaire d’Athènes, un jour après qu’un employé de banque avait sauté du haut de l’Acropole.
Luttes locales et nationales contre les licenciements, contre les expulsions, pour le droit à la santé, participation militante à l’aide à l’approvisionnement, sans oublier bien sûr les batailles contre le racisme et le fascisme : des représentants d’Amnesty International et d’Human Rights Watch s’inquiètent publiquement de l’impunité des auteurs d’agressions racistes, membres de Chryssi Avgi, et de l’incapacité ou du manque de volonté de la police à les arrêter, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe mettant désormais en cause les liens entre eux.) Intervenir sans relâche dans ces secteurs est fondamental pour redonner espoir et perspectives et lutter contre un désespoir illustré par un dernier chiffre : si 87 % des Grecs pensent que leurs gouvernements sont responsables des problèmes économiques (59 % des Français), 42 % (contre 18 % des Français) pensent en même temps être eux-mêmes responsables de ces problèmes...
Tassos Anastassiadis et Andreas Sartzekis