Alors que la Troïka lance de nouvelles injonctions à la Grèce, les précédentes mesures plongent le pays dans la misère.
Déclaration cynique de l’impérialisme allemand ou, comme apparemment avec le coup du référendum, scénario préparé en commun entre les gouvernements de Berlin et d’Athènes, pour faire croire à un semblant d’autonomie du « gouvernement technique » de l’ex-banquier Papadémos ? En tout cas, les déclarations d’Angela Merkel, reprises par son ministre de l’Économie dans le journal populiste Bild, affirmant qu’il faudrait installer à Athènes un commissaire européen pour contrôler les affaires budgétaires, arrivent à point nommé : le gouvernement non élu et donc sans légitimité peut ainsi jouer la carte de l’union nationale, orchestrée ce matin par la presse inféodée (et même représentée directement au gouvernement !), avec de larges « Nein, nein, nein ! »
Dans la foulée, Papadémos a réuni les chefs des trois partis gouvernementaux pour faire croire à une posture sociale : le Pasok, la droite et la droite extrême mandatent le Premier ministre pour faire savoir à ses complices européens qu’ils refusent les ordres de la Troïka sur la suppression des 13e et 14e mois dans le secteur privé et la baisse du salaire minimum. Quel courage de la part de ceux qui ont déjà supprimé ces deux mois de salaire dans le public et baissé le précédent salaire minimum ! Et qui se taisent sur les autres injonctions de la Troïka : baisse des dépenses de santé et des retraites complémentaires, licenciements dans la fonction publique, privatisation d’ici juin d’au moins trois entreprises publiques, ouverture des métiers protégés (en particulier les pharmaciens, montrés du doigt pour leur « égoïsme » dans la presse internationale alors qu’ils croulent aujourd’hui sous les dettes, n’étant pas remboursés par les caisses de santé), ouverture internationale à l’éducation privée... Toutes ces mesures sont bien sûr présentées par les représentants du FMI, de l’UE et de la Banque centrale européenne comme indispensables pour obtenir l’argent du second mémorandum de 130 milliards. Par ailleurs, ces bien timides protestations s’expliquent bien sûr par la perspective d’élections législatives qui, attendues pour février, devraient avoir lieu en avril… si les sondages ne sont pas trop catastrophiques. La misère s’étendOr, la situation est aujourd’hui très mauvaise pour ces partis, en particulier pour le Pasok, et ce n’est pas la dernière déclaration du dirigeant Chryssoïdis, un des adversaires de Papandreou pour la succession, qui va arranger les choses : il reconnaît avoir voté sans l’avoir lu le premier mémorandum qui a déclenché la vague de misère. S’il n’est sûrement pas le seul député dans ce cas, cela ne peut que précipiter la décomposition du Pasok, dont bien des sections ne se réunissent plus. C’est évidemment aujourd’hui l’un des enjeux que de savoir quels choix politiques vont opérer ces dizaines de milliers de travailleurs qui ont fait jusqu’ici du Pasok un parti ouvrier, toujours à la tête des directions syndicales. Ces enjeux sont liés à la profondeur de l’appauvrissement : en cet hiver très froid, la misère s’étend, et on a vu la semaine passée des gens faire des queues de plusieurs heures pour se voir offrir par des paysans de Béotie des légumes produits dans une région très polluée et mis en promotion gratuite. Trois sans-abri sont morts, il y a deux semaines, et la réponse sociale donnée par le ministère de la Santé est d’ouvrir des refuges à partir de... -4 degrés ! Cynisme et incompétence qui rendent encore plus urgent de chasser ce pouvoir... Appel anticapitalisteFace à l’incapacité de la gauche antilibérale d’offrir des solutions unitaires et anticapitalistes concrètes – ce qu’à sa manière dénonçait le grand cinéaste Angelopoulos, qui s’était en outre élevé clairement contre la politique de misère des derniers mois, et dont la mort a donné lieu à un festival des hypocrites – les militantEs syndicaux jouent un grand rôle (initiatives des syndicats de base à Salonique d’aller soutenir les luttes comme celle chez Coca et d’appeler à se coordonner), et la grève de la région Attique, le 17 janvier, a mis dans la rue plus de 20 000 manifestantEs, mais au-delà, il faut ouvrir des perspectives politiques claires. De ce point de vue, l’appel du regroupement anticapitaliste Antarsya va dans le bons sens : « Personne ne doit croire que sont utiles à la population les divers ‘’fronts patriotiques’’ qui ne voient pas que l’ennemi, ce sont avant tout ‘’nos’’ patrons et ‘’nos’’ banquiers, qui écrasent le peuple en toute complicité avec la troïka. Cette logique et d’autres vont contre la possibilité de se libérer des horreurs du système. La gauche de notre époque, pour être victorieuse, se doit d’être unitaire, à l’initiative de fronts, et résolument anticapitaliste ! »
A. Sartzekis