Samedi 21 avril, 45 ans exactement après le coup d’État des colonels fascisants, Savvas Metoïchidis, syndicaliste enseignant militant engagé dans le courant radical, s’est suicidé. Comme Dimitris Christoulas l’avait fait il y a trois semaines, son geste terrible est une condamnation sans appel de la politique de ravages sociaux menée en Grèce, et ses camarades de combat saluent le militant participant entre autres causes à l’enseignement du grec auprès des immigrés, aujourd’hui au centre de la campagne raciste menée par le gouvernement et les officines néonazies. La pression de la crise entraîne bien sûr colère mais aussi découragements : en janvier, le nombre des chômeurs est passé à 1,85 million, soit 21,8 % de la population active, dont 50,8 % entre 15 et 24 ans, c’est dire l’avenir des jeunes si rien ne change... Par ailleurs, bien des enseignantEs constatent les difficultés grandissantes des familles : non-participation aux voyages scolaires, mais aussi évanouissements en classe d’élèves sous-alimentés.
Dans ces conditions, la question de la solidarité devient une question de survie, mais aussi une question politique, comme l’a bien compris la bourgeoisie nationale, en mettant en scène des soupes populaires et des aides diverses. Aux premiers rangs, l’Église orthodoxe, voulant ainsi faire oublier que ses immenses richesses (foncières) ne sont pas touchées par les mesures. Mais le pire, ce sont d’intenses campagnes de médias aux mains de la grande bourgeoisie, comme celle de TV Sky, associée à l’Église et à l’armée pour récolter des surplus aux sorties de magasin, dans une campagne tout simplement titrée « Tous ensemble, nous pouvons ! » L’affameur se voulant bien « famé »…
Dans ces conditions, il est vital qu’une activité concrète et durable de soutien se développe en essayant de se coordonner sur des bases de classe. Différentes initiatives existent déjà : le travail de Médecins du monde Grèce associant soins et nutrition de base est très efficace. Côté français, une initiative récente du Secours populaire a été remarquée : aide alimentaire aux grévistes de l’usine sidérurgique Halivourgia et aux habitantEs d’une banlieue proche de l’usine. Indépendamment des initiatives de chaque organisation française, on peut se demander si une coordination autour du Secours populaire, reconnu en Grèce par une partie large de la gauche, ne permettrait pas d’élargir en France une campagne politique de soutien concret aux secteurs populaires.
À noter, différentes initiatives qui se développent ces derniers temps, en rupture avec la logique marchande. Ainsi, ce que l’on a appelé le « mouvement des patates » : les paysans producteurs sont venus vendre directement sur des places de plusieurs villes, sans passer par les intermédiaires. Différence : le kilo à 0,20 centimes au lieu de 0,85 minimum, et un très grand succès, qui a obligé des maires à soutenir ces initiatives. À signaler aussi ces associations locales déjà existantes ou se créant et qui organisent comme à Chania (en Crète) des distributions de repas gratuits, ou bien, sur le modèle argentin, la mise en place d’un système de troc, auquel participe une série de magasins associatifs et qui connaît aussi un certain succès. Une coordination souple de toutes ces initiatives est à souhaiter, pour renforcer l’idée que les résistances locales sont un échelon indispensable d’une rupture politique centrale avec le capitalisme synonyme de faim et pauvreté.
Andreas Sartzeki, Athènes, le 22 avril