Pour justifier le récent coup de force audiovisuel, un responsable du parti de la droite a benoîtement déclaré que c'était nécessaire, car les chaînes publiques ne soutenaient pas le gouvernement et qu'en plus, si la mesure avait été discutée au Parlement, celle-ci aurait pu être recalée... Aveu accablant qui indique l'urgence d'une bataille pour la démocratie, dans le pays qui en inventa le principe.Le ministre Kedikoglou, celui-là même qui a annoncé la fermeture de ERT, qui a dénoncé la radio-télé publique comme un repaire de passe-droits, y fut lui-même engagé sans aucun concours, puis envoyé pendant deux ans en formation à CNN pour, à son retour, très vite négocier son passage vers la télé privée.
L’audiovisuel vraiment publicAlors que les menaces d'intervention des flics se renforcent contre les travailleurEs de ERT qui occupent et émettent par différents moyens, cette mobilisation continue d'agir en profondeur et laissera des traces, quoi qu'il arrive ! D'abord par la solidarité qui continue et s'intensifie : tous les soirs, des milliers de personnes passent par le siège d'Aghia Paraskevi, mais des milliers d'autres ont aussi manifesté la semaine passée à Salonique, 2 000 à Ioannina... De plus, la poursuite « sauvage » des programmes (y compris la retransmission de la messe !) avec débats et initiatives culturelles diverses, préfigure ce que doit être un véritable service audiovisuel non pas d’État mais public, avec la parole laissée aux acteurs et actrices des différents secteurs de la vie locale et nationale. Un contraste absolu avec la nullité culturelle d'un gouvernement qui a aussi dissous l'orchestre national de ERT. Et les larmes d'une violoniste lors d'un concert de l'orchestre dissous, ce qu'elle a dit sur la tristesse de ses collègues, sur des salaires moyens de 650 euros, ont mis en avant l'urgence d'une réappropriation populaire de la culture, avec les moyens nécessaires, et en lien avec la mémoire de grands moments musicaux ou théâtraux de ERT. Coïncidence ? Au même moment, les nazis ouvrent une chaîne pour mieux faire passer leurs messages de haine et de propagande à la Goebbels... De plus, le gouvernement prépare pour la suite la fermeture de 13 hôpitaux (5 pendant l'été ?), des fermetures et regroupements d'établissements scolaires, notamment dans les banlieues populaires...
Répondre la crise politiqueDans ce contexte, deux questions se posent. D'une part, il faut prendre la mesure de la crise gouvernementale. Le départ du gouvernement de Dimar, une scission droitière de Syriza, est certes un épiphénomène… aux conséquences pourtant importantes. Le nouveau gouvernement Nouvelle Démocratie / Pasok est une caricature du bipartisme qui a produit tous les scandales (affairisme, favoritisme, pots de vins…) de ces dernières décennies. Le roi est donc nu, et risque de tomber lors d'un vote au Parlement. D’où des marchandages sans fin pour arriver à un nouveau gouvernement faisant de Venizelos (issu du Pasok) le numéro deux du gouvernement, gouvernement intégrant les différents courants de la Nouvelle Démocratie, et suscitant un enthousiasme... de façade dans la presse bourgeoise.L'autre question est la capacité de la gauche à tracer des perspectives crédibles. Loin de traduire la lutte unitaire sur le terrain, le KKE et Syriza ont voulu organiser chacun de son côté un meeting la semaine dernière, des échecs dans les deux cas. De plus, la sortie du gouvernement de Dimar (qui annonce pourtant le soutenir !) amène des cadres de Syriza à vouloir reprendre langue avec ce courant droitier (et vice versa...). De son côté, la coalition Antarsya a appelé à une nouvelle grève générale cette semaine et exige un front de lutte pour chasser le gouvernement, ce qui pourrait être la proposition la plus concrète pouvant réunir les trois forces. L'actuelle mobilisation pourrait peut-être même accélérer les choses, dans la perspective d'un gouvernement qui rompe avec les mémorandums et prenne des mesures sociales d'urgence.
D'Athènes, A. Sartzekis