La vie parlementaire grecque a été un peu agitée ces derniers jours…
Le point de départ des remous est double :
– la question de la Macédoine, après le vote par le Parlement de Skopje des modifications constitutionnelles issues de l’accord de Prespes entre les gouvernements Zaev et Tsipras, par lequel la Macédoine prendrait le nom de « République de Macédoine du Nord », ce à quoi s’oppose de nombreux Grecs qui estiment que seule la région grecque de Macédoine a le droit de porter ce nom. Désormais, c’est au Parlement grec de ratifier cet accord ; tout cela a déclenché une nouvelle poussée de fièvre nationaliste, toujours aussi inquiétante quand le 3e parti du pays est celui des nazis de Chryssi Avgi (Aube dorée) ;
– l’impatience (depuis 3 ans !) de la droite à retrouver le pouvoir (son vice-président a d’ailleurs déclaré qu’il faudrait trouver le moyen constitutionnel d’empêcher tout retour au pouvoir de la gauche !) ; son leader, dont le seul talent est d’être le fils de l’ancien Premier ministre Mitsotakis, exigeant tous les 3 jours des élections que les sondages lui présentent comme devant être gagnées par la droite.
L’accord de Prespes
Et tout cela se joue sur fond de gestion social-libérale du gouvernement Syriza, qui n’est plus depuis quelques jours allié au petit parti de droite nationaliste ANEL : son chef a rendu son tablier de ministre de la Défense pour s’opposer à la « trahison » nationale que représente pour lui la validation en cours de l’accord de Prespes. À ce propos il faut rappeler que si, d’un côté, cet accord permettra à la Macédoine du Nord de demander son adhésion à l’OTAN et à l’Union européenne, d’autre part il supprime des clauses (langue, nationalité…) qui pouvaient à tort ou à raison poser problème en Grèce. Ce qui fait dire à une petite partie de la gauche internationaliste que si cet accord s’inscrit évidemment dans le cadre bourgeois des Balkans et de l’Europe, il est aussi une réponse permettant de s’opposer aux prétentions nationalistes des deux côtés de la frontière, qui sont actuellement le danger principal. Du côté du KKE (PC grec) mais aussi d’une partie de l’extrême gauche, cet accord ne fait que servir les intérêts de l’OTAN, ennemi principal (comme aux yeux de Poutine, qui proteste contre l’accord de Prespes)… même si le même KKE, quand il était au gouvernement, n’avait pas vraiment agi pour exiger la sortie de la Grèce de l’OTAN…
Macédoine… politicienne
L’expression est ici galvaudée mais reste d’actualité : entre le clientélisme politique des uns et des autres, et l’anti-impérialisme de façade qui refuse du coup de condamner le nationalisme qui serait… du patriotisme (!), on nage ces derniers temps en pleine macédoine, particulièrement dans une macédoine politicienne dont on peut essayer de dégager les traits suivants :
– Tsipras a réussi mercredi 16 janvier à obtenir la confiance de 151 des 300 députés, au prix d’une cuisine provoquant quelques reclassements au sein de petits groupes charnières au Parlement. Mais derrière cela, il apparaît que Tsipras a officiellement insufflé à Syriza un cours de « centre-gauche » avec appel du pied aux responsables du PASOK (PS grec) qui veulent éviter de couler avec leur actuelle direction alignée sur les choix de la droite ;
– la question macédonienne reste explosive, non seulement pour l’avenir de Syriza (vote au Parlement dans la semaine) et tous les partis parlementaires, mais surtout elle pose pour la gauche la question du véritable internationalisme, dans un pays où une partie de la gauche a autrefois soutenu, au nom de l’anti-impérialisme, les « frères serbes » écrasant sous les bombes la population de Bosnie-Herzégovine.
Retour des questions sociales
Dimanche dernier avait lieu à Athènes un rassemblement national « pour la Macédoine » et « contre les traîtres » (une campagne de menaces contre les députés pro-Prespes a commencé). Contre cette manif mêlant droite, religieux et nazis, une initiative anti-nationaliste a réuni un bon millier de manifestantEs à 300 mètres du show passéiste, à l’appel de groupes d’extrême gauche (NAR, OKDE Spartakos, EEK…) et anarchistes.
Si la semaine qui vient sera encore marquée malheureusement par des discussions hallucinantes sur la Macédoine, cachant d’ailleurs mal le fait que la droite et le PASOK n’ont aucune autre raison de fond de refuser cet accord que leur clientélisme électoral, les questions sociales reviennent heureusement sur le devant de la scène, avec entre autres une forte mobilisation dans l’éducation la semaine passée contre les nouvelles formes d’affectation et pour que les nombreux enseignantEs sans salaire soient enfin payés !
À Athènes, A. Sartzekis