Les derniers jours ont quelque chose de dramatique pour le peuple grec : confronté à la ferme volonté de l'UE et du FMI de faire plier les Grecs qui ont eu l'excellente idée de dire non à la catastrophe imposée par la troïka, le gouvernement grec vient de subir un sérieux revers.
Or, au lieu de le présenter comme tel, le gouvernement Syriza claironne qu'on a gagné une bataille mais pas encore la guerre ! Déclarations reprises sous d'autres tonalités dans une partie de la presse de la gauche radicale, pendant que bien entendu, la droite et le PASOK enfoncent le clou, comme le fait de son côté le Monde : un sous titre comme celui du numéro des 22 et 23 février est un véritable commentaire colonialiste : '' Après trois semaines de psychodrame, les Européens ont réussi à faire entendre raison à la Grèce'' ! On peut à partir de là imaginer les réactions d'un Venizelos , dirigeant du PASOK : le vice premier ministre du gouvernement de la droite ose dire que grâce à leur politique, Samaras et lui avaient quasiment sorti la Grèce des memorandums et que les agitations de Syriza l'ont replongée dans un cycle de soumission à la troïka !
Un recul évident
C'est évident : les instances européennes, toutes d'accord sur le fond comme on l'a souligné ici à maintes reprises, ont obtenu sinon une capitulation, en tout cas un très sérieux recul du gouvernement Syriza-Anel. Et le nier risque d'être fort dangereux, car la déeception risque de profiter sinon à un KKE sectaire, à coup sûr à Chryssi Avgi qui attend son heure. Car que peut prétendre avoir obtenu Syriza ? La troïka continue à exister, et c'est une mauvaise plaisanterie que se réjouir qu'elle soit désormais appelée '' les institutions'' , d'autant que l'ex-troïka viendra contrôler comme avant la réalisation des ''réformes'' … Le memorandum continue, et c'est bien la somme restante qui sera versée, on n'est pas dans le refus que celle-ci soit versée et que soient obtenus différents montants correspondant à des progrès minimum. Ainsi, Syriza voulait faire baisser l'excédent budgétaire recherché de 4,5 ou 3 à 1,5 du PIB : ce sera 3 %, et on peut se demander quelles seront alors les marges de manoeuvre. Quant à l'annulation ou même à une réduction de la dette, il n'en est plus question, abandon dramatique...
Or, alors que la population grccque continue à soutenir le gouvernement en étant consciente des difficultés , aggravées par l'absence d'un gros mouvement de soutien à l'échelle européenne, Tsipras et Varoufakis font passer ce recul pour une victoire et continuent à faire croire qu'ils ont fait bouger les lignes de force en Europe... Certes, ils ont gagné 4 mois de '' respiration'' mais on est loin , très loin, du programme de Salonique, lui-même un programme minimum ! Car le gouvernement s'est vu imposer de proposer un programme correspondant à l'esprit de ''l'accord'' intervenu le 20 février. Le ministre Varoufakis a transmis lundi soir ce programme , et le fait que l'Eurogroupe l'ait ce soir approuvé suffirait à montrer que le gouvernement grec a reculé sur tout ce qui pouvait remettre en cause la politique d'austérité. Qu'on en juge : certes, des formulations insistent sur la volonté de l'état que les riches paient l'impôt, et sur la nécesssité que soit mis en place un système fiscal efficace -cela figurait dans l'ancien memorandum... Mais à côté de formulations qui peuvent être reliées à ''l'esprit du programme de Salonique'' , différentes formulations constituent en fait une ''rupture de la rupture '' : réexamen et contrôle des dépenses publiques dans différents secteurs, comme l'éducation (sinistrée !), les transports (SNCF déjà cassée …); contrôle des dépenses de santé; révision (nécessaire) des textes réglementaires sur la presse, mais interdiction des organes de presse structurellement déficitaires (ce qui est le cas de bien des titres !); fonctionnement des banques ''selon de sains principes commerciaux et bancaires'' ! Non remise en cause des privatisations effectuées ou promesses de privatisation, réexamen des privatisations qui n'ont pas pu être officiellement promises … Le fond de privatisation n'est pas aboli mais refondu . Adoption des meilleures pratiques de l'UE en matière de ''marché du travail'' , nouvelle approche pour les contrats de travail permettant un équilibre entre droits et flexibilité ! Et ceci n'est qu'un florilège des 6 pages.
Comment avancer ?
Un mois après la victoire électorale, le respect congénital de la majorité de Syriza par rapport aux institutions de la bourgeoisie grecque et européenne a débouché sur un premier recul extrêmement grave, et on n'insistera pas ici sur le choix de Syriza de présenter pour l'élection présidentielle rendue urgente un candidat issu non pas de la gauche mais de la droite traditionnelle. Et il ouvre une crise d'orientation, certes dans Syriza, mais avant tout dans le mouvement de masse, Syriza restant quoi qu'en pensent certains non pas un parti de masse (le fait qu'il soit passé de 4% en 2009 à 36 % en 2015 n'est pas synonyme d'une construction concomittante !) mais une organisation assez fragile dans laquelle le courant historique du Synaspismos garde la haute main.
La question que doivent se poser tou-te-s les militant-e-s de la gauche radicale et anticapitaliste qui veulent avancer est à placer non pas par rapport à Syriza ou à l'organisation anticapitaliste (Antarsya) , mais plutôt par rapport à ce qui devient urgent : un regroupement de toute cette gauche convaincue que les reculs d'aujourd'hui préparent des défaites d'ampleur demain, et ce mot ne renvoie pas du tout à des calendes grecques : ainsi, le groupe neo nazi n'hésite pas à sortir de l'ombre en reprenant ici ou là ses agressions racistes ! Le signal d'alarme a été déclenché par l'extraordinaire militant anti fasciste Manolis Glezos, héros de la résistance anti-nazie et membre de Syriza seul avec DEA à avoir refusé la dissolution de son groupe dans une nébuleuse Syriza contrôlée par le seul courant majoritaire : dans une déclaration dont la presse mondiale brusquement intéressée n'a repris que sa demande de ''pardon au peuple grec pour avoir coopéré à répandre des illusions'', Glezos continue en insistant sur l'exigence, avant qu'il ne soit trop tard, de réagir et en demandant aux membres de Syriza de faire convoquer de AG extraordinaires pour refuser le recul intervenu , d'autant dit-il que les reculs concédés par les précédents gouvernements en matière de chômage, d'austérité, de pauvreté , passent déjà toutes les limites de ce qu'on peut appeler reculs !
Que son appel serve de ralliement ou pas, il est aujourd'hui fondamental que face aux risques de défaite qui se profilent déjà à l'horizon, et sans que la question soit aujourd'hui de se lancer dans des ''on vous l'avait bien dit, c'est cela Syriza !'' (le KKE Pc grec est aux anges !), ou dans des campagnes exclusives '' sortons de l'euro, sortons de l'UE !'' (majorité d'Antarsya), un front de résistance de gauche aux diktats de l'UE et du FMI se forme et lance des mobilisations qui pourraient très vite trouver une dynamique décisive, en lien avec les mobilisations indispensables dans tous les pays de l'UE ! Des rassemblements sont convoqués dès jeudi pour dénoncer les diktats de l'UE mais aussi la politique de compromis avec l'UE du gouvernement. Espérons que cela pourra constituer un point de départ au rassemblement mentionné . Mais on peut et doit imaginer d'autres initiatives : ainsi, la question de la dette redevenant majoritaire, pourquoi pas une conférence européenne unitaire à Athènes sur ce thème qui pourrait et devrait devenir un thème de mobilisation de masse ?
Athènes, le 24 février 2015
A. Sartzekis