Invité par Jean-Claude Juncker à Bruxelles mercredi 3 juin, Alexis Tsipras a dit venir avec joie, une joie fondée sur l’assurance que la Grèce et la troïka (« les institutions »…) allaient parvenir à un accord. Cet accord que, d’après le gouvernement grec, l’Union européenne voulait malgré le ministre des Finances allemand Schäuble...
Aussi, Tsipras a eu du mal à cacher son amertume après le refus sec et global des créanciers, qui aux concessions pointées dans les propositions athéniennes, opposaient de nouvelles demandes : augmentation de la TVA, privatisations, « libéralisation » de produits et de professions, excédents budgétaires primaires de 1, 2, 3 et 3,5 % entre 2015 et 2018... Pour qui aurait encore des doutes, la troïka montrait là ses vrais objectifs, tout à fait politiques : derrière la mise en scène des gestes prétendument d’amitié (Juncker parlant de Tsipras), une défense intransigeante du système libéral mise en danger par la victoire électorale de janvier.Tout cela se fait sur fond de campagne politique orchestrée par les médias : ainsi, en titrant sur Tsipras qui serait « pris en étau entre l’UE et son parti », Le Monde accrédite l’idée que s’il n’y a pas eu accord, ce serait à cause de l’extrémisme de Syriza... Une idée trompettée en Grèce par Stavros Theodorakis, marionnette au service du système dominant et chargé des basses œuvres : « La plupart des ministres ne font rien… » (Le Monde du samedi 6 juin).
Stop ou encore ?Cet épisode de la semaine passée pourrait bien constituer une faute grossière de la troïka, mettant en relief son extrémisme dangereux pour la démocratie et son opposition frontale à l’exigence populaire de mettre fin aux mémorandums et à l’austérité, aujourd’hui en Grèce, en Espagne et ailleurs demain ! Encore faut-il pour cela que cette politique d’atteinte à la souveraineté populaire soit perçue comme telle à une échelle de masse, et que Tsipras et Syriza la dénoncent clairement.Or, après quelques condamnations officielles des sales coups de la troïka, le gouvernement a repris sa politique de conciliation, en défendant au Parlement vendredi 5 juin une ligne d’union nationale… pour aboutir à un bon accord avec les « institutions ». Pour cela, rediscussions avec Merkel et Hollande, alors que Obama vient encore de demander à Athènes de faire des « concessions », tout comme le socialiste Martin Schulz qui souligne que Tsipras doit accepter les conditions de la troïka...
Construire un regroupement unitaireFace au risque que la population reste spectatrice de ce match perdant, il faut le répéter : seule l’intervention du mouvement de masse peut faire bouger les lignes, en mettant en avant l’exigence de rupture avec la politique de misère de la troïka. Un de ses négociateurs vient d’affirmer froidement qu’il verrait d’un bon œil les retraites passer à 300 euros par mois... Toute la question est cependant la formation d’un regroupement unitaire uni sur cette exigence de rupture et appelant aux mobilisations. Or, on n’y est pas vraiment : ce jeudi 11 juin auront bien lieu des manifestations, mais appelées soit par le courant syndical du KKE contre « l’accord antipopulaire que préparent gouvernement et créanciers », soit par Antarsya contre l’Union européenne, « union de criminels, d’assassins économiques et politiques » que « Tsipras veut sauver »...Pas sûr que lancées telles quelles, ces initiatives marquées « anti-gouvernement » répondent au besoin d’un cadre unitaire indispensable portant l’exigence d’une rupture anti-libérale, l’axe minimum commun des mobilisations en Grèce, en France et dans le reste de l’Europe.
D’Athènes, A. Sartzekis