Pour obtenir les faveurs de la Troïka, le gouvernement « socialiste » grec s’attaque en priorité aux classes populaires.
Depuis plusieurs mois, quand elle annonce de nouvelles casses, la presse titre sur les « mesures qui vont réduire le niveau de vie des travailleurs ». À vrai dire, il n’y aura bientôt plus grand chose à réduire : depuis début septembre, le gouvernement invente chaque semaine de nouveaux moyens de faire les poches des couches populaires, se gardant bien d’imposer à égalité les nantis. En outre, le gouvernement présidé par le chef de l’Internationale socialiste est devenu, comme le montrent férocement des dessins de presse, un simple exécuteur d’ordres du FMI, de l’Union européenne et de la Banque centrale européenne, la fameuse troïka dont des représentants contrôlent chaque jour davantage la gestion du pays. Exemple cette semaine : dimanche 2 octobre, le gouvernement annonce diverses mesures d’étranglement et, dès le lendemain, la troïka fait savoir qu’elle en veut plus et qu’il faudrait casser les références à des accords de branche. Tollé du gouvernement... qui deux jours plus tard indique que désormais, les accords d’entreprises (une très grande majorité ont moins de 50 salariés) seront recherchés, rendant ainsi quasi inutile l’existence d’une confédération syndicale, obligée elle de hausser le ton. Rafale de mesures assassines Le rythme infernal auquel elles tombent rend difficile une présentation détaillée des mesures imposées. Le but immédiat est de pouvoir montrer à la troïka une économie de 6 milliards d’euros, condition nécessaire du chantage au 6e versement du prêt, intervenu le 21 juillet. Cette semaine, en ligne de mire, les impôts, avec un seuil minimum de revenu imposable passant de 12 000 à 5 000 euros (avec effet rétroactif au 1er janvier 2011) et des augmentations terrifiantes : pour un revenu annuel de 20 000 euros, l’impôt passe à 2 400 euros, augmentant de 740 euros, alors que pour un revenu de 200 000 euros, il passe à 77 400, augmentant de… 820 euros ! Pas besoin de dessin pour comprendre la politique de classe ! Et c’est bien là une véritable stratégie : dans le secteur public, les rémunérations connaissent une nouvelle baisse centrée sur les bas salaires : un employé avec dix-sept ans de service et un salaire de 1 800 euros va perdre 208 euros, alors qu’avec 2 000 euros, l’employé ne perd rien. Diviser dans la fonction publique en établissant une frontière symbolique de 1 900 euros au-dessous de laquelle Papandreou veut concentrer ses attaques, tel est l’un des objectifs, qui est de faire payer la crise par les plus pauvres et les classes moyennes, de nouvelles coupes de 4 à 20 % intervenant aussi pour les retraites. Ajoutons une taxe d’habitation qui devrait rapporter 2,5 milliards d’euros et qui va être imposée même aux plus faibles revenus par l’intermédiaire de la facture d’électricité, rendant encore plus forts les risques de se voir couper le courant. Pendant ce temps, le responsable des contrôleurs du fisc explique que sur une liste de 3 000 fraudeurs, les banques n’ont accepté de montrer que 130 comptes...
Autre mesure indice de la soumission aux diktats du capital : d’ici la fin de l’année, 30 000 fonctionnaires, puis 120 000 en 2012, vont se voir imposer une mise en inactivité, touchant 60 % de leur salaire avant d’être licenciés. Autant dire qu’à la misère va s’ajouter, si la mesure passe, un affaiblissement catastrophique des services publics. En même temps, les privatisations, censées rapporter des milliards, n’avancent pas, les investisseurs attendant l’effondrement des prix, et ce ne sont pas les projets de golf sur les îles avancés par le vice-chancelier allemand qui vont relancer la consommation populaire... Une seule solution, mobilisations !Ce qui impressionne, c’est que malgré les coups, la combativité reste forte : 50 000 manifestants à Athènes le 5 octobre pour la grosse grève du secteur public, occupations de ministères, dont celui des statistiques, où devait se rendre la troïka; grèves dans les transports. 600 lycées occupés contre le manque de profs et de moyens ; baisse de la mobilisation étudiante, mais blocage administratif de la réforme universitaire… Et cela sur fond de slogan : « Listès, listès, socialistès mazi me tous capitalistès ! » (« Voleurs, voleurs, socialistes vous êtes avec les capitalistes ! »).
Mais on s’en doute, les mobilisations ne sont pas faciles : fatigue devant le rouleau compresseur, comme dans le secteur ultralibéral de la presse, politique de répression systématique (le 5 octobre, les flics ont même frappé des journalistes), division chaque jour plus insupportable quand on lit par exemple cette déclaration : « La nécessité, c’est de créer maintenant une alliance populaire de lutte des travailleurs dans les secteurs public et privé, pour un travail stable et garanti pour tous avec des droits modernes, pour s’opposer aux mesures barbares, pour que s’exprime massivement le refus de payer les mesures coups de massue, pour renverser la politique du gouvernement et de l’UE au service des monopoles et du capitalisme ». QuelLE militantE de gauche organisé (Antarsya, Syriza, KKE) ou simplement, comme des dizaines de milliers, en rupture avec le Pasok, ne souscrirait pas à un tel appel ? Le problème, c’est qu’un tel appel, en fait du KKE, se traduit concrètement par le refus d’un front commun dès lors qu’on n’est pas d’accord avec le KKE ! On pourrait trouver d’autres exemples similaires à gauche du gâchis face aux urgences sociales et politiques. Donc tout faire pour l’unité dans les luttes, mais cela implique aussi une dynamique de luttes à l’échelle européenne, qui redonne confiance ici et partout sur des solutions ouvrières impossibles si nos luttes restent isolées.
Andreas Sartzekis