Le score du parti néonazi Chryssi Avgi aux législatives du 6 mai est particulièrement inquiétant, tant il est révélateur de la crise sociale et politique qui traverse le pays.Comme prévu, les différentes manœuvres pour essayer de former un gouvernement issu des élections du 6 mai ont échoué : aucun parti opposé ou prétendument opposé aux mesures du mémorandum ne pouvait risquer de s’allier au Pasok ou à la droite pour former un gouvernement qui aurait éclaté peut-être dès la première grosse mobilisation ! Résultat, qui rend fous de rage les grands promoteurs de la démocratie que sont les dirigeants de l’UE et du FMI : un gouvernement « technique » chargé des affaires courantes jusqu’aux élections du 17 juin. En fait, le vrai problème n’est pas, comme le prétendent les technocrates du capital, le temps perdu (ah, toutes les mesures d’austérité qui pourraient être prises en un mois !) mais la possibilité de former un gouvernement le 18 juin. Avec, bien sûr, des questions cruciales pour la suite : le score de la gauche, celui des néonazis, la confirmation ou pas du discrédit des partis qui ont plongé le pays dans la misère. Les premiers sondages confirment une polarisation entre la Nouvelle Démocratie favorable au mémorandum (ND, droite dirigée par le nationaliste Antonis Samaras) et la gauche radicale Syriza (alliance entre gauche réformiste antilibérale Synaspismos et quelques groupes de la gauche révolutionnaire). Tous les autres partis sont donnés en baisse, mais le propre de l’actuelle situation est bien celle de la fluidité, accentuée par l’absence de grève des travailleurs. L’un des enjeux du prochain scrutin sera évidemment le score que feront les néonazis de Chryssi Avgi (sondages en baisse : 4 à 5 %), restant un groupuscule à ce stade, mais représentant un danger potentiel qu’il s’agit d’écraser dans les mois ou les semaines qui viennent, sous peine d’avoir en Grèce une formation de tueurs aux ordres du patronat.La résistible ascension Même si heureusement fort minoritaire, le score de Chryssi Avgi ne manque pas d’étonner : dans un pays vacciné il y a moins de 40 ans contre les ravages de l’extrême droite, presque 7 % des électeurs ont brusquement donné leurs voix à un groupe ouvertement nazi (avec, bien sûr, devant la presse toutes les niaiseries accablantes sur le fait que leur sigle n’est pas ouvertement hitlérien et autres infantilismes...). Une étude sérieuse est urgente, tant la gauche a ignoré cette récente montée en réputation des putrides, dans un contexte où extrême droite et droite extrême récoltent presque 20 % des voix. De fait, le succès des nazis repose sur diverses causes : à Athènes, contrôle d’un quartier petit bourgeois avec attaques paramilitaires contre les immigrés et protection affichée des petits vieux. Ce profil paramilitaire est directement appuyé par les flics, qui ont voté en masse pour eux, ce qui d’ailleurs implique non seulement la revendication de dissolution du groupe nazi, mais aussi celle des corps spéciaux de la police, fort gangrénés ! Mais l’observation d’une région non urbaine montre que les nazis ont d’autres soutiens : ainsi en Arcadie, région montagneuse et paysanne, où ils ont obtenu 7,8 % (ND 25,6, Pasok 16,1, Syriza 14,6), ils ont les votes des personnes âgées (les téléphones ont marché en faveur de ces « braves » petits jeunes qui « assurent » la sécurité… les flics refusant souvent d’intervenir et donnant aux interlocuteurs inquiets... les coordonnées de cette milice !) mais aussi de jeunes déboussolés (aucun avenir dans de nombreux villages « apolitiques »), de chasseurs (attrait pour les armes) et de militaires ou ex-militaires. Si on ajoute le travail fait en ville par ce groupuscule auprès des lycéens, basé sur le rock dur nationaliste et sur les bastonnades contre les immigrés, et le score que ces petites frappes obtiennent dans certaines banlieues sinistrées (10 % du côté de Perama), on vérifie malheureusement le poids du nationalisme en Grèce et on voit ainsi l’ampleur des tâches pour la gauche, qui n’a pas pris conscience dans son ensemble de l’importance d’un travail antifasciste durable et unitaire, qui donne des perspectives à une désespérance sociale mais aussi politique. Nous reviendrons sur la situation à gauche…
Andreas Sartzekis, Athènes, le 20 mai