Trois mois après la victoire de Syriza, dans une situation de confrontation avec la troïka devenue « les institutions », on pouvait attendre une très forte mobilisation pour ce 1er Mai. Il n’en a rien été...
Les manifs étaient loin de constituer une réponse aux terribles pressions de la bourgeoisie européenne.
État de désunionÀ Athènes, même si la confédération du privé GSEE appelait, très peu de travailleurEs ont assisté au meeting avant la manifestation, et encore moins de bureaucrates (la direction reste celle du Pasok) ! Avec le cortège de Syriza (sa tendance syndicale Meta et sa jeunesse) qui ont rejoint le meeting, guère plus de 1 500 personnes étaient regroupées. Par contre, la fraction syndicale du KKE, Pame, avait appelé un peu plus loin à un meeting regroupant entre 5 et 7 000 militantEs, pour des discours de dénonciation de Syriza présenté comme le nouveau Pasok, et d’autocélébration de Pame... Et plus loin encore, les syndicats de base (santé, secteur livre et papier, etc.) et la coalition Antarsya, suivi par d’autres groupes de la gauche radicale, regroupaient plus de 2 500 militantEs autour de mots d’ordre comme « Ni négociations ni soumission ! Luttes de classes pour renverser le système ! ». Et c’est une telle configuration qu’on retrouvait un peu partout dans le pays...Malgré la bonne tenue des cortèges de la gauche radicale et révolutionnaire, ce 1er Mai est inquiétant : vu la situation exceptionnelle, la faible participation mais aussi la division des cortèges n’ont pas permis de faire de cette journée une étape de résistance à l’offensive réactionnaire de Bruxelles ou de forte pression face aux reculs du gouvernement (même si du côté de Syriza, on rappelait qu’il y a des lignes rouges à ne pas franchir).
Offensives intérieuresOr, en ce début mai, la situation est très préoccupante : très clairement, l’Union européenne applique son plan d ’étouffement, et la dénonciation de cette politique, qui s’applique à un moindre degré à toute tentative de contestation sociale en Europe, est bien trop insuffisante jusqu’ici, que ce soit en Grèce ou ailleurs. Et il ne faut pas sous-estimer l’offensive de déstabilisation menée en Grèce même.Bien sûr, les partis de l’ex-gouvernement, Nouvelle Démocratie et Pasok, sont en pointe, essayant de faire passer l’idée que plus tôt on chassera ce gouvernement, mieux ce sera pour reprendre en toute confiance l’obéissance à la troïka. Mais d’autres partis comme le Potami (le Fleuve), sorte de mouvement de Beppe Grillo à la grecque, jouent aussi le pourrissement, avec des déclarations bien reprises partout du genre « le problème, ce n’est pas Tsipras, c’est Syriza », et faisant pression pour un gouvernement « de coalition »... Et on mentionnera en passant le poids des gros groupes de presse, véritable rouleau compresseur dénonçant tout risque d’une mesure de gauche ou de mobilisations de classe.
Contrer les reculs du gouvernementOr, face à cette offensive même pas déguisée, le gouvernement recule. Sans détailler, on mentionnera sa position face à l’UE, avec un refus inquiétant d’aller à l’affrontement et une tactique démobilisatrice : hier en laissant croire qu’il y avait deux camps au sein de l’Union européenne, avec une France qui serait progressiste face au sinistre Schaüble ; aujourd’hui, en indiquant qu’on va aboutir à un accord honorable avec une clique qui tient à obtenir de nouveaux reculs sur le droit du travail, la sécurité sociale, les retraites…Et quoi qu’on pense des conceptions économiques du ministre de l’Économie Varoufakis, son remplacement de fait dans les négociations avec les bureaucrates bruxellois est symboliquement une défaite politique. L’UE lui en voulait car le personnage contribuait à mettre en lumière la logique inhumaine de ses exigences.Enfin, dans ce bras de fer, ajoutons la méfiance voire le refus de l’équipe de Tsipras de donner aux travaux sur la dette entamés par le groupe d’experts toute l’importance qu’ils devraient prendre. Il suffit de relire les déclarations de Syriza avant les élections sur la priorité à accorder à cette question pour mesurer le très grave recul engagé aujourd’hui par la majorité de ce parti.Malgré tout, la population garde une confiance assez forte dans Syriza : plus de 36 % contre 22 % à la droite, les nazis reculant un peu à 5,5 %, même chiffre que pour le KKE. Mais chacunE sent que les choix qui seront faits dans les jours qui viennent risquent d’effriter sérieusement cet appui sondagier… qui, rappelons-le, ne se traduit pas dans la rue. Plus que jamais, les mobilisations sociales seront nécessaires.
D’Athènes, A. Sartzekis