À la conférence de New York, les pays donateurs ont promis de consacrer dix milliards de dollars à la reconstruction d’Haïti. Une reconstruction libérale qui se fera sans que le peuple ait sont mot à dire. Le résultat de la conférence de New York, sur l’aide au financement de la reconstruction d’Haïti, est encensé partout par la presse. Les différentes nations ont fait preuve d’une rare générosité que nous découvrons avec le plus grand étonnement. Serait-ce une prise de conscience soudaine post-crise ? Les images du séisme qui a fait plus de 200 000 morts ont-elles réussi à tirer, en place de quelques larmes, de gros chèques à nos dirigeants ?L’actualité mondiale offre ces dernières semaines des contrastes surprenants entre des pays en faillite comme la Grèce et cette conférence d’où 9,9 milliards de dollars sont sortis du chapeau. Évidemment, derrière cette générosité se cache bel et bien la voracité des États qui ont fait et maintenu Haïti dans la misère depuis son indépendance. Des organisations haïtiennes ont déjà dénoncé la mainmise des ONG sur l’argent de la reconstruction, sorte de privatisation de l’aide internationale. Ce système a certes parfois l’avantage de ne pas donner des sommes importantes à des États corrompus mais la corruption concerne aussi de nombreuses « fausses » ONG qui ont déjà détourné des dons d’institutions comme de particuliers. Le problème principal est que le peuple haïtien, comme tant d’autres, voit sa souveraineté une fois de plus bafouée. Les besoins sont évalués par des organisations occidentales, calqués sur des schémas définis à New York ou à Paris, tout comme les plans du FMI. L’idée de mise sous tutelle d’Haïti, qui a fait débat ces dernières semaines, a été abandonnée mais il demeure que l’aide ne sera pas sous contrôle unique des Haïtiens. Le Parlement d’Haïti devra élire un co-président de l’agence qui distribuera les fonds, l’autre étant Bill Clinton. Ce dernier gère deux fondations dont la Clinton Bush Haïti Fund où il se retrouve avec l’ancien président Bush. Bill Clinton étant aussi émissaire spécial pour l’ONU en Haïti, on nage en plein conflit d’intérêts. Le projet ne comporte pas que des fonds destinés à reconstruire des abris pour faire face à la saison des pluies qui arrive en mai. Il s’agit de réaliser des « changements structurels », en clair d’imposer de l’extérieur une politique économique ultra libérale, en amplifiant le développement des zones franches pour l’industrie textile et en « modernisant » l’agriculture, secteur qui emploie 70 % de la population. Il ne s’agit donc pas d’aides mais d’investissements que les grandes nations font à Haïti, la dette n’est pas remise en cause et les fonds seront gérés par la Banque mondiale.Le développement des zones franches s’appuiera sur l’exploitation de paysans sans ressources depuis le tremblement à qui on imposera des bas salaires et l’absence de droit du travail caractéristique de ces zones où l’on travaille jusqu’à douze heures par jour pour un salaire journalier moyen de cinq dollars. L’annulation de la dette reste donc une revendication incontournable qui devrait être le premier geste en direction d’Haïti. Les Haïtiens doivent être les seuls à décider de l’utilisation de ces fonds.Thibault Blondin
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