D’Alger à Tlemcem, François Hollande a fait une visite tout ce qu’il y a de plus conventionnelle et convenue. En témoigne ces salariéEs des services publics algériens réquisitionnéEs et débarquéEs sur le parcours des officiels. Seul couac, beaucoup avaient jeté les drapeaux français dont on les avait affublés, ne gardant que les drapeaux algériens.L’objectif de la visite a été résumé par le Président français déclarant lors d’une rencontre économique algéro-française se déroulant au Sheraton, l’hôtel de luxe d’Alger : « La politique ne remplace pas l’économie et l’amitié ne peut remplacer la compétitivité »…
Du bout des lèvres…Côté politique donc, pas grand-chose de neuf par rapport au discours précédent de Sarkozy. Hollande, sans doute emporté par son audace, a déclaré que le système colonial avait été « injuste et brutal », un bel euphémisme pour résumer 132 ans de spoliations, déplacements massifs de populations, et massacres de toutes les résistances. Avec 67 ans de retard, il a condamné les massacres de Sétif, Kherrata et Guelma, où en mai-juin 1945 l’armée française et des milices locales avaient massacré des dizaines de milliers d’Algériens avant de faire disparaître leurs corps.Enfin, Hollande a condamné l’usage de la torture par l’armée, usage dénoncé depuis 1955 par les opposantEs à cette sale guerre coloniale que les gouvernements de la ive République (pour plusieurs d’entre eux socialistes) ne voulaient pas nommer. À cette allure, la mémoire n’est pas près de rattraper l’histoire ! D’ailleurs, pour faire un geste vis-à-vis du pouvoir algérien, Hollande a corrigé son discours et passé sous silence les accords signés par les deux gouvernements, de soutien à la résistance syrienne, accords que Bouteflikha ne veut pas ébruiter !
Un VRP au travail« Nous avons des projets à réaliser pour les populations de nos pays, mais c’est la compétitivité, la qualité et la performance qui feront la distinction », a tenu à clarifier le Président français devant les membres d’une délégation du Medef qui l’accompagnaient et ceux du Forum des chefs d’entreprisealgériens. Là, on entrait dans le vif du sujet qui intéressait la bande de patrons que trimbalait le Président, fidèle à sa fonction. Au 1er rang, ceux du CAC 40 : Renault, Sanofi, Total, GDF-Suez, mais aussi de nombreux patrons de PME par exemple dans la santé ou les énergies renouvelables. Tout ce petit monde vise les investissements que le gouvernement algérien, assis sur un confortable matelas financier, pourrait réaliser pour leur permettre de réaliser davantage de profits en Algérie. C’est ce que Hollande a appelé « le retournement de l’histoire », en rappelant que le gouvernement algérien est un des rares à ne pas être endetté, et même à avoir récemment consenti un prêt au FMI !
Certains ont officiellement signé des contrats qui s’annoncent particulièrement profitables : par exemple, Renault pour son usine de production près d’Oran avec 3 ans d’exclusivité pour écarter Volkswagen qui lorgnait sur le marché algérien, ou Sanofi qui va ouvrir une nouvelle usine de production. Pour d’autres comme Total ou GDF-Suez, l’enjeu était d’avancer dans des négociations non finalisées autour des modalités de fixation des prix des hydrocarbures algériens. Et au passage, Hollande, qui s’est engagé en France à ne pas rouvrir la question de l’exploitation des gaz de schiste mais envisage de continuer la recherche sur d’autres méthodes que la fracturation hydraulique, semble avoir trouvé en Algérie un terrain d’expérimentation. Pas grand-chose de neuf, après les expérimentations en tout genre dans le Sahara pendant les années 60-70…
Alors évidemment, cela ne laissait pas beaucoup de temps pour discuter des discriminations subies par les étudiants algériens en France, de la non-reconnaissance des diplômes algériens, ou des contraintes et humiliations imposées à toutes celles et ceux qui demandent un visa pour séjourner dans l’ancienne puissance coloniale. Bref de la liberté de circulation et d’installation des populations, de toutes celles et ceux qui ne jonglent pas avec les millions, mais qui n’exploitent personne et ne veulent qu’une chose, vivre de leur travail !