Publié le Mardi 14 juillet 2009 à 16h46.

Honduras : Coup d’Etat préventif contre Zelaya

Issu de l’oligarchie et magnat du bois, Manuel Zelaya a placé son ascension au sein du Parti libéral du Honduras (PLH) dans la ligne favorable au régime démocratique civil.

Elu deux fois député, Zelaya est nommé directeur du Fonds hondurien d'investissement social, en 1998, sous la présidence de Carlos Reina Idiáquez, qui canalise la coopération destinée à lutter contre la pauvreté. Reconduit par le président Carlos Flores, il est chargé de la reconstruction, après l'ouragan Mitch qui ravage le pays en octobre 1998, et entame un dialogue avec la société civile. En 2001, il se présente à l'élection présidentielle, mais il perd face à Ricardo Maduro, du Parti nationaliste hondurien (PNH). Il lui succède en 2005, avec le soutien du Parti libéral hondurien (PLH), avec 49,9% des voix, contre 46,2% pour son adversaire, Porfirio Lobo, du PNH. L’oligarchie se méfiant déjà de son discours populiste aux accents sociaux et de son slogan «Pouvoir citoyen», il doit attendre un mois la proclamation des résultats définitifs.

Quand il entame son mandat, en janvier 2006, le PLH, majoritaire au Parlement, vote la loi de participation citoyenne. Zelaya s’en empare pour lancer la consultation avortée par le coup d’Etat. Il élimine d’emblée les frais de scolarité, crée un fonds de soutien aux PME et un programme pour améliorer la production alimentaire en zone rurale. Il reçoit un soutien populaire mais, les grèves se succédant, il augmente le salaire minimum de 60 %. Plusieurs crises majeures s’imposent : crise énergétique, avec la faillite de l’entreprise nationale d’électricité (Enee), crise de la dette et du système de santé. Malgré les demandes incessantes du Fonds monétaire international (FMI), qui souhaite plus de privatisations et de rigueur budgétaire, il obtient une condamnation partielle de la dette. Pour tenter de résoudre la crise énergétique, il se rapproche d'Hugo Chavez, avec l'approbation de Bush et de l’oligarchie. Le PNH soulève toutefois le risque de contagion politique. Zelaya devient alors la cible d’une violente campagne de la presse conservatrice. L’adhésion à l'Alternative bolivarienne (Alba), en 2008, est ratifiée par le congrès, mais le PNH s’abstient.

Le sort de Zelaya est scellé par l’oligarchie et l’impérialisme américain, en raison de ses discours teintés d'anti-impérialisme et, surtout, de la consultation populaire.

Dès lors, un coup d’Etat préventif place Zelaya dans le camp de la gauche latino-américaine. Son programme libéral (il signe trois traités de libre échange), teinté de social, et ses alliances s’avèrent moins risqués qu’une refondation populaire par une Constituante.

D'une part, l’Alba remporte l’adhésion d’une partie du mouvement social et des petits partis de gauche. D'autre part, l’idée d’une Constituante rallie de nombreuses organisations ouvrières, paysannes et autochtones, pourtant d'ordinaire rétives à Zelaya. Elles sont toutes aujourd’hui dans la rue pour résister au putsch.

Bras de fer diplomatique

L’appel au « dialogue » de la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a trouvé un écho au sein de la droite latino-américaine. Le 7 juillet, sous les hospices du président du Costa Rica, Oscar Arias, Clinton attend une réunion de « médiation » entre le putschiste Micheletti et le président Zelaya. Ce dernier appelle à la « destitution de la junte ». Des entretiens séparés avec Arias ont donc abouti au statu quo. Une délégation du mouvement populaire accompagnait Zelaya, alors que la résistance au putsch se renforce au Honduras.

Le président du Panama, le conservateur Martinelli, a appelé « les divers pays impliqués dans le conflit à assumer une position de médiation et non d'ingérence ». Cette déclaration est en concordance avec les putschistes et la droite américaine qui distillent la thèse d’une déstabilisation soutenue par Chavez. L’administration américaine évince l’Organisation des Etats américain – ­­au moment où celle-ci s’affirme – pendant que ses fidèles soutiens réactionnaires isolent Zelaya.

Ana Maria Duarte