Publié le Vendredi 27 décembre 2024 à 09h30.

Île Maurice : la volonté de changement

L’opposition de l’alliance progressiste a battu la coalition Lepep du gouvernement sortant lors des élections du 10 novembre à l’île Maurice.

Les résultats sont sans appel. Avec 62 % des voix, les opposants des différents partis remportent la quasi-totalité des sièges à l’assemblée selon la règle « le gagnant remporte tout. »

Vaines manœuvres

Ces élections ont été marquées par le scandale des écoutes. Le pouvoir a organisé un système d’espionnage de grande envergure visant les voix dissidentes, des journalistes, des avocats et militants associatifs. Une dérive autoritaire qui s’est amplifiée quand le gouvernement s’apprêtait à couper le réseau internet. Devant le tollé qu’a suscité ce projet, le pouvoir s’est ravisé dans un pays connu pour sa stabilité démocratique.

Pravind Jugnauth, le Premier ministre sortant, pensait que l’accord passé avec la Grande-Bretagne sur les îles Chagos lui donnerait un bonus. Cet accord, présenté comme le retour de la souveraineté de Maurice sur l’archipel est sujet à des critiques. Il a été élaboré en l’absence des Chagossiens, en dépit de leurs demandes répétées d’être associés. Ils ont été chassés de leur île par le gouvernement britannique à la fin des années 1960. De plus, la Grande-Bretagne conserve des droits souverains sur la principale île Diego Garcia avec une interdiction de retour des habitantEs sur leur terre et le maintien d’une base militaire octroyée aux États-Unis.

En parallèle, la situation économique est marquée par un affaiblissement de la croissance, un niveau d’inflation impactant les populations les plus pauvres, un taux de chômage des jeunes atteignant près de 20 % et un fort taux d’inégalité.

Dynastie et écosocialisme

Dans leur grande majorité, les MauricienNEs ont sanctionné le gouvernement et porté au pouvoir Navin Ramgoolam. Un politicien qui a été par deux fois Premier ministre et qui lui-même est accusé de blanchiment d’argent. La politique à l’île Maurice est avant tout accaparée par deux dynasties, les familles Jugnauth et Ramgoolam qui ont depuis l’indépendance présidé aux destinées du pays. Leur politique est similaire dans l’accompagnement de la mutation du pays d’une économie sucrière puis manufacturière avec l’industrie du vêtement, vers une économie tournée vers la finance et le tourisme.

Les deux organisations de la gauche radicale existant dans le pays, Lalit et Rezistans ek Alternativ (ReA), ont fait des choix politiques différents. Lalit a présenté seule six candidats, tandis que ReA a intégré l’alliance progressiste en négociant trois mandats de députés. Son dirigeant, Ashok Subron, a été nommé ministre des Affaires sociales. Un de ses premiers discours officiels s’est tenu pour la Journée internationale du handicap. À cette occasion, il a prôné un changement d’approche en ciblant les causes sociales économiques et environnementales qui favorisent le handicap, comme la mauvaise alimentation, les maladies et accidents professionnels, la pollution, etc.

Un ministre écosocialiste aux Affaires sociales dans un gouvernement est suffisamment rare en Afrique pour qu’on puisse s’en réjouir même si la vigilance reste de mise.

Paul Martial