Après une longue hésitation, Obama a défini sa stratégie contre l’État islamique (EI) en Irak et en Syrie : une offensive militaire et diplomatique visant à le « détruire ».
«Si vous menacez l’Amérique, vous n’aurez aucun refuge sûr », proclame-t-il. Il invoque les menaces que représente l’EI, « y compris sur le sol américain », pour rallier l’opinion qui voyait en lui celui qui en terminerait avec l’ère Bush. Les atrocités commises par l’EI, dont une troisième décapitation, donnent du crédit à ses propos, mais en réalité les USA sont rattrapés par leur propre bilan, les deux guerres en Irak, les années d’occupation et leurs terribles séquelles. Comment croire qu’une nouvelle guerre, dont personne ne connaît l’issue, pourrait apporter une réponse au chaos engendré par la politique même des grandes puissances ? L’enjeu pour les USA est en réalité d’essayer de construire de nouvelles alliances pour tenter de garder le contrôle de la situation : « une coalition » internationale la plus large possible.Hollande s’est engagé avec zèle derrière eux, tentant de reprendre pied en Irak, alors qu’en 2003, la France était restée hors de la coalition qui avait mis à bas Saddam Hussein et débouché sur l’occupation. Il s’est rendu à Bagdad pour soutenir le nouveau gouvernement et s’engager à l’aider « encore davantage militairement ». Puis, au Kurdistan, il a rencontré Massoud Barzani. La « menace globale appelle une réponse globale », reprend-il dans la foulée d’Obama. Le ministre de la Défense, Le Drian, en rajoute : la France « doit agir » dans le sud de la Libye, « une sorte de "hub" où les groupes terroristes viennent s’approvisionner, y compris en armes, et se réorganiser. » Selon lui, le dispositif militaire français en Afrique de l’Ouest, l’opération Barkhane, pourrait être le point de départ d’une telle intervention.
« Une réponse globale » ?Ainsi Hollande a présidé avec Fouad Massoum, le président irakien, la première conférence internationale sur l’Irak. Celle-ci s’est tenue lundi dernier à Paris, pour mettre sur pied « la coalition d’alliés », en présence du chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov et du secrétaire d’État américain John Kerry, en conclusion de sa tournée au Moyen Orient, et la participation de 27 États. Elle avait une fonction politique : mettre en musique la stratégie d’Obama.La Turquie, l’Arabie saoudite et l’Iran sont l’enjeu des tractations. La Turquie, membre de l’Otan, se rallie à la coalition mais du bout des lèvres. L’Arabie saoudite est, elle, sans réticence, acceptant qu’une base soit installée sur son territoire, alors qu’elle a fourni des réseaux pour financer l’État islamique... Pour elle, il s’agit d’accroître son influence dans la région au détriment de l’Iran. Ce dernier n’a pas participé à cette « conférence spectacle » : pas question de s’associer à l’Arabie saoudite ni de rallier les USA. Il soutient Assad et aide les Kurdes et l’État irakien pour son propre compte. Du moins pour le moment...Manœuvrer les rivalités entre États ou forces religieuses pour reprendre la main, tenter de reconstruire l’État irakien et son armée qui s’est effondrée, sont les premiers objectifs de la troisième guerre d’Irak qui commence. Celle-ci ne pourra qu’accroître les tensions et les souffrances des peuples qui, seuls, seraient à même de trouver une issue aux méfaits de la domination des grandes puissances, ces puissances qui ne veulent armer que ceux qu’elles peuvent contrôler et utiliser à leurs propres fins.
Yvan Lemaitre