Publié le Mercredi 7 décembre 2022 à 18h00.

Iran : vers une possible dissolution de la « police des mœurs » ?

Samedi 3 décembre, un haut responsable du pouvoir judiciaire en Iran a annoncé la possible suppression de la « police des mœurs ». Celle-ci est chargée de contrôler que les femmes portent de façon « convenable » le voile islamique en public, ainsi que la façon dont elles sont habillées.

Comme chacunE le sait, cette police est directement responsable de la mort de Jina Masha Amini le 16 septembre, cette jeune femme kurde de 22 ans dont le décès a été le déclencheur du soulèvement actuel en Iran. À l’heure où ces lignes sont écrites, cette annonce du procureur général n’a pas été confirmée par le régime, et personne ne sait quand elle le serait, ni quand seraient connues les modalités de sa mise en œuvre éventuelle.

Un régime débordé

L’existence d’une telle déclaration constitue en soi un recul face à la détermination et le courage des manifestantEs, mobilisés depuis plus de deux mois. Et elle témoigne de l’incapacité du régime à faire respecter l’obligation du port du hijab. Malgré les risques encourus, des dizaines de milliers de femmes se déplacent en effet aujourd’hui dans la rue tête nue, et l’appareil répressif est dans l’incapacité de toutes les arrêter.

Si cette dissolution était effective, elle constituerait incontestablement une première victoire alors que la mobilisation entre dans sa douzième semaine. Mais elle ne signifierait pas pour autant l’abolition de l’obligation du port du hijab. La politique d’invisiblisation du corps des femmes a d’ailleurs existé une bonne vingtaine d’années avant que cette institution répressive ait été mise en place.

Une manœuvre ?

Il est possible que cette déclaration reflète des tensions entre les différents clans du régime islamique. Mais il est également plausible qu’elle soit une manœuvre de diversion destinée à détourner l’attention et démobiliser une partie des manifestantEs à la veille des grèves générales et des manifestations annoncées pour les 5, 6 et 7 décembre. Et cela dans un contexte où la grève des chauffeurs routiers, débutée le 25 novembre, s’est étendue au reste du pays. Par ailleurs, environ 500 ouvriers de Mahshahr Terminal and Petrochemical Tanks Company ont cessé le travail dimanche 4 décembre. Cette dernière grève n’a pas pour seul motif la satisfaction de revendications professionnelles : elle vise également à soutenir les manifestantEs à travers tout le pays.

Mais si tel était le but du régime, cette manœuvre pourrait avoir un effet boomerang : souligner la faiblesse d’un pouvoir qui se présentait comme inflexible, et être un signe de son isolement. Elle ne ferait alors que renforcer la détermination des manifestantEs à en finir une bonne fois pour toutes avec cette dictature.