En Italie, le confinement est généralisé depuis une semaine par des mesures coercitives semblables à celles décidées par le gouvernement Macron. Nous avons interviewé Marie Moïse, militante de l’association syndicale Fuori Mercato, qui tente d’organiser la solidarité face à l’épidémie.
M.E : Comment se passe les interdictions de sorties, pour les militants et pour la population en général ?
Nous avons comme chez vous une attestation à imprimer et nous cochons le motif prendre soin d’une personne vulnérable. La première étape de la solidarité c’est la question des courses. Les personnes âgées ou malades ne peuvent pas sortir et pour cela la solidarité est assez effective. Les contrôles ont augmenté progressivement. Moi, par exemple, j’habite dans un quartier populaire de Milan donc la police est inexistante, même avec l’épidémie.
Mais si tu sors dans le centre-ville, là c’est sûr que tu vas subir des contrôles.
Clairement, les gens ont peur de la police et ont peur de sortir, ils ont peur d’être reconnu comme illégal et de ce qui pourrait leur arriver. Il faut savoir que chez nous, la « sortie illégale » peut être punie d’une peine de prison même si cela n’a jamais été le cas.
Par ailleurs, les prisons sont surpeuplées, les révoltes explosent, il y a déjà eu une douzaine de morts.
Les amendes ont été mises, même si on a pas vraiment de chiffres, on ne sait pas si elles sont nombreuses. Mais on a eu un cas scandaleux à Milan d’un SDF qui a eu une amende.
M.E : Comment vous vous organisez-vous ? Est-ce que c’est encore possible de militer dans cette situation ?
C’est très difficile, toute nos réunions se font par Skype, mais nous avons beaucoup de discussions et d’échange, et cela permet de construire un réseau qui rompt l’isolement face auquel on se trouve. Après, en Italie, nous avons l’habitude de faire de la politique à partir de la vie quotidienne. Nous construisons autour des espaces politiques et de vie (que nous avons d’ailleurs dû fermer), autour des solidarités concrètes et aussi de formes de mutualisme, par contre il faut le dire toute une série de questions qui se posent à nous sont des questions liées au droit du travail. En Italie, l’affaiblissement du syndicalisme, rend difficile d’organiser les travailleurs qui sont obligés de continuer à travailler. Un tiers du travail que nous faisons, c’est avoir une ligne d’aide pour répondre aux questions de personnes qui se trouvent démunis face à leurs employeurs et à leurs droits.
Mais concrètement, cela nous permet aussi de nous mettre en relation avec des travailleurs et des secteurs que l’on ne connaissait pas auparavant. Cela permet aussi de poser des jalons pour la suite.
M.E : Comment faire concrètement pour organiser la solidarité ?
Le premier réseau qu’on a activé, c’est un réseau pour faire des courses, c’était le plus simple, en respectant toutes les précautions sanitaires. On organise aussi des baby-sittings pour les familles dont les parents continuent de travailler, mais c’est moins simple car on ne peut pas complètement respecter les distances et donc on trouve moins de gens pour le faire. Pourtant, il y a des financements d’Etat pour le baby-sitting. Nous faisons aussi tout un réseau avec les petits agriculteurs pour soutenir leur production, car il y a encore en plus en ce moment un monopole de la grande distribution. Des camarades qui sont psy en lien avec l’université de Milan ont organisé des lignes téléphoniques de soutien. On a aussi fabriqué du gel hydro-alcoolique avec la formule de l’OMS.
Mais comme je le disais finalement le principal niveau de solidarité c’est faire de l’information syndicale : comment accéder au revenu parental, recenser les abus des patrons aussi. Avec ce qu’il reste de gauche et d’extrême gauche en Italie, on essaye aussi de lancer une campagne pour lancer une campagne pour un revenu de quarantaine pour tous les précaires qui ne rentrent pas dans les dispositions d’Etat, mais aussi l’arrêt des loyers pendant toute la durée de la quarantaine.
Malheureusement, ce qu’on voit de plus en plus c’est que cette situation d’isolement, font que de plus en plus de gens passent du temps à la fenêtre à dénoncer les voisins. Pour nous construire la solidarité c’est aussi lutter contre cela, c’est par des actions concrètes, proposer aux gens de s’organiser en montrant qu’il est possible de construire une société solidaire.
Propos recueillis par Mimosa Effe