Jeudi 27 février, le Parlement de Chypre a rejeté une loi sur les privatisations. Ce texte concernait notamment les télécommunications, les entreprises portuaires et la compagnie d’électricité. Ces privatisations sont une des conditions de la poursuite des crédits accordés par l’Union européenne, crédits prévus dans un des accords consécutifs à la crise de financière l’an passé. Si la majorité gouvernementale s’est divisée et si les parlementaires ont repoussé la loi, c’est que les travailleurs des entreprises concernées se sont mobilisés et ont manifesté massivement. Les salariés de l’électricité ont fait grève plusieurs jours de suite sans se laisser intimider par une loi interdisant la grève dans les services essentiels à la sécurité nationale : ils ont même coupé le courant aux députés durant le débat !Après ce vote, la Commission européenne est revenue à la charge et le gouvernement a déposé un nouveau texte. Une campagne a été engagée par les organisations patronales et l’agence d’investissement : ces organismes disent que la grève est un droit, mais pas la prise de contrôle des lieux de travail, des centrales électriques et du réseau de distribution. Autrement dit, « vous avez le droit de faire grève, tant que ça ne nous gêne pas vraiment ». Les prétendues « violences » ont également été dénoncées par les mêmes. Syndicats et partis d’extrême gauche et de gauche appellent les parlementaires à rejeter le nouveau projet. Le parti communiste Akel (pourtant très modéré et qui, lorsqu’il était au pouvoir, a mené des réformes libérales) qualifie les modifications au texte initial de purement « décoratives ». Sauf rebond important de la mobilisation sociale, il est cependant vraisemblable que la majorité parlementaire se ressoudera et que le texte « adouci » sera adopté.Car la pression de la Troïka et de la Commission européenne est forte à Chypre, comme dans l’ensemble de l’Europe. Les gouvernements de droite et de gauche s’en font, sans états d’âme, les relais, surtout en Europe du Sud où les politiques d’austérité s’accentuent. Ainsi, en Espagne, le nombre d’agents publics a baissé de 11 % (340 000 postes) en deux ans (de 2011 à 2013). Au Portugal, entre fin 2011 et septembre 2013, 8,7 % des fonctionnaires ont été dégagés et, pour ceux qui restent, leurs salaires vont à nouveau diminuer en 2014 (jusqu’à 12 %). Partout, malgré les discours sur la sortie de crise, les travailleurs vont continuer à voir leur situation se dégrader. Sauf si...
Henri Wilno