Le « deal du siècle » annoncé depuis plusieurs mois par l’administration Trump et censé « régler le conflit israélo-palestinien », ressemble de plus en plus à une mauvaise blague. On a pu en avoir un aperçu lors de la conférence organisée les 25 et 26 juin à Bahreïn, où le gendre de Trump, Jared Kushner, a présenté le volet économique du « deal », qui ressemble, en pire, à diverses initiatives prises au cours des 25 dernières années. Avec le succès que l’on connaît.
« Buying peace », « acheter la paix » : dès 1996, l’universitaire étatsunien Rex Brynen, peu connu pour ses sympathies pro-palestiniennes, utilisait cette formule pour décrire les mécanismes qui se mettaient alors en place dans la foulée de la signature des accords d’Oslo entre Israël et les PalestinienEs (1993-1994). L’un des principaux architectes israéliens du cadre négocié, Shimon Pérès, défendait pour sa part, dans un ouvrage publié à la fin de l’année 1993, The New Middle East, la thèse selon laquelle la pacification des relations entre Israël et ses voisins nécessitait un renforcement des relations économiques entre les pays du Moyen-Orient, dans le cadre d’une zone de libre-échange, qui permettrait à l’ensemble des peuples de la région, au premier rang desquels les PalestinienEs, de bénéficier des « dividendes de la paix ».
50 milliards d’investissements
Ce projet « silence contre nourriture » a connu de nombreux avatars au cours des 25 dernières années, qui se sont tous soldés par des échecs. La raison en est simple : les dizaines de milliards injectés en Cisjordanie et à Gaza ne remplacent pas la satisfaction des droits nationaux des PalestinienEs, a fortiori dans la mesure où, dans le même temps, Israël continue de coloniser, d’expulser, de réprimer, d’assiéger.
Cette fois-ci, les États-Unis promettent rien moins que 50 milliards de dollars d’investissements, dont la moitié dans les territoires palestiniens, et expliquent sans honte, dans un document de 40 pages mis en ligne sur le site de la Maison Blanche1
- 1. https://www.whitehouse.g…], que « de même que Dubai et Singapour ont tiré profit de leur position stratégique et se sont épanouis comme des pôles financiers régionaux, la Cisjordanie et Gaza pourront au total se développer comme des centres d’échanges commerciaux régionaux ». Le tout sans jamais mentionner Israël et l’occupation !
« Incubateurs de start-ups »
« J’essaye de comprendre le concept : on continue l’occupation mais en échange on aura un Starbucks en ville ? Des check-points trois étoiles ? » Un consultant palestinien de Ramallah, interviewé par Libération, résume bien la situation. Et le moins que l’on puisse dire est que, l’expérience aidant, personne ne prend très au sérieux les « propositions » de l’administration Trump et les promesses de doublement du PIB et de création d’un million d’emplois, entre autres et notamment dans des « incubateurs de start-ups » (sic).
La conférence de Bahreïn a été un échec flagrant, les États arabes invités n’envoyant que des diplomates de second rang, peu enthousiastes devant les powerpoint de Jared Kushner. Du côté de l’Autorité palestinienne de Ramallah (AP), on proteste contre cet énième projet qui ne dit pas un mot de l’occupation et des droits politiques des PalestinienEs, signe de l’usure des plans de « paix économique » que l’AP, qui en bénéficiait directement, a longtemps salués. En résumé, rien de bien nouveau sous le soleil, et un « deal du siècle » qui ne changera rien au sort des PalestinienEs, se contentant d’accompagner, et de financer, l’expansion coloniale.
Julien Salingue