Depuis le coup d’État contre Amadou Toumani Touré (ATT) le 22 mars, mené par les soldats du rang de l’armée, la situation au Mali est loin d’être stabilisée. En effet le pays reste coupé en deux et dans chaque partie du territoire se déroule une lutte féroce pour le contrôle du pouvoir.
Les problèmes demeurent même si le rétablissement de l’ordre constitutionnel est effectif, puisqu’à la suite de la démission d’ATT, le président de l’Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, a pris l’intérim de la présidence de la République et a nommé un Premier ministre, Cheick Modibo Diarra qui a formé son gouvernement. Le pouvoir est partagé entre un gouvernement décrié par l’ensemble de la classe politique, qu’il soit partisan ou opposant au coup d’État, et les putschistes, avec à sa tête le capitaine Amadou Haya Sanogo.
Cette instabilité est marquée par les violences qui ont émaillé la dernière semaine entre la garde présidentielle, les bérets rouges et les putschistes, les bérets verts qui refusent toujours une intervention militaire de la Cedeao, l’organisme des pays de l’Afrique de l’Ouest.
C’est donc un véritable bras de fer qui se joue avec l’Ivoirien Ouattara, président de la Cedeao et son médiateur, le Burkinabé Compaoré, par ailleurs deux piliers de la Françafrique.
De l’autre côté du fleuve Niger, au nord du pays, la situation est tout aussi compliquée. Le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), doit faire face aux différents groupes islamistes. En effet, chacun a ses propres objectifs. Les Touaregs du MNLA ont proclamé le 6 avril l’indépendance de l’Azawad et se prononcent plutôt pour un État laïc, alors que les groupes islamistes sont contre la partition du Mali et pour étendre la Charia sur l’ensemble du pays. Mais dans les deux camps des divisions se font jour. Le MNLA vient de connaître une scission, le FNLA, originaire de Tombouctou, qui contrôle une partie de cette ville. Les islamistes, eux, sont divisés entre Aqmi, Ansar Din, le Mujao qui est un groupe dissident d’Aqmi, et des éléments de Boko Haram, groupe islamiste auteur de sanglants attentats contre les chrétiens du Nigeria et pour couronner le tout, de multiples bandes armées qui s’adonnent aux trafics de cigarettes, de drogues, et d’êtres humains sévissent dans la région.
Des contacts ont été noués en Mauritanie entre les dirigeants du MNLA et des émissaires du gouvernement malien. Pour ce dernier, la ligne rouge est le maintien de l’intégrité territoriale qui pourrait être cependant compatible avec une fédération du Mali permettant d’octroyer une très grande autonomie de l’Azawad. En échange, les troupes du MNLA pourraient s’allier à l’armée malienne pour combattre les islamistes.
Mais rien n’est sûr et pendant les tractations la souffrance des populations empire. En effet, à la crise alimentaire qui s’abat sur l’ensemble de la bande sahélienne, touchant plus de 15 millions de personnes, s’ajoutent les pénuries de toutes sortes : eau, énergie, médicaments. Le nombre de réfugiés fuyant le Nord s’élève à 320 000 personnes. De plus, l’organisation Human Right Watch fait état de nombreuses violations des droits humains dont se sont rendus coupables les hommes en armes qu’ils soient du MNLA ou des différents groupes islamistes.
Les populations du nord du pays payent fortement les politiques dictées par le FMI et la Banque Mondiale qui ont empêché le développement économique et démantelé les services de l’éducation et de la santé. Cette situation s’est aggravée par la corruption, et la progression de l’économie mafieuse. Avant d’être militaire, la solution est avant tout sociale et économique. Pourtant elle n’est nullement envisagée par les pays comme la France qui se disent prêt à un appui logistique en cas d’intervention militaire de la Cedeao.
Paul Martial