Publié le Jeudi 30 août 2012 à 12h45.

Les institutions européennes et la crise

Depuis sa création, l’Europe n’a de cesse de créer des règles permettant d’y appliquer un libéralisme économique débridé. Le nouveau traité européen qui entend faire graver dans les différentes constitutions la fameuse « règle d’or » n’est que la dernière péripétie d’une longue succession d’actes, de pactes, de traités donnant la priorité à la « concurrence libre et non faussée ». Les bourgeoisies européennes ont pris le prétexte de la crise pour tenter de liquider tous les acquis des travailleurs, aboutissant à un véritable recul en matière de droit du travail et de protection sociale. Malgré ses annonces de campagne, la politique que François Hollande a commencé à mettre en œuvre garde le cap de faire payer la crise aux peuples européens.La crise économique mondiale a été l’occasion rêvée pour les bourgeoisies européennes et les institutions à leur service d’avancer dans leur projet fondamental de liquider le modèle social européen.Le rappel des principales dates de la construction de l’Union européenne montre une avalanche récente de traités et de pactes dans cette intention :• 1957 - Traité de Rome, création de l’UE à six.• 1986 - l’Acte unique, création du Grand Marché.• 1992 - Traité de Maastricht, les fameux critères de convergence : notamment sur les finances publiques, déficit inférieur à 3 % du PIB, dette inférieure à 60 % du PIB.• 1997 - Pacte de stabilité et de croissance, mise en place de la Procédure de déficit excessif, c’est-à-dire le contrôle par les instances technocratiques européennes du respect des critères de Maastricht. • 2007 - Traité de Lisbonne, adopté par vote des parlements nationaux, et qui reprend les principales dispositions du Traité constitutionnel de 2005, refusé par référendum en France et aux Pays-Bas. Son objectif est de rendre irréversible l’orientation libérale de l’UE (par exemple « l’indépendance » de la BCE). • Juin 2010 - Pacte de réforme structurelle : chaque pays membre doit proposer un plan de réforme destiné notamment à supprimer les « rigidités du marché du travail ». • Mars 2011 - Pacte dit de « l’euro plus », qui poursuit quatre objectifs : stimuler la compétitivité, stimuler l’emploi, contribuer à la stabilité des finances publiques, renforcer la stabilité financière, et pour cela préconise notamment de « rendre le travail plus attractif » et de « réformer les retraites ». • Décembre 2011 - Le Pacte de stabilité et de croissance renforcée est un ensemble de cinq règlements et une directive qui ont pour objectif de renforcer et élargir la surveillance et la possibilité de sanctions. Il donne à la Commission des outils de contrôle et de sanction en cas de dépassement du plafonnement des dépenses publiques. Elle peut ainsi imposer à un État de réduire sa dette publique.

Le Pacte de stabilité inaugure un contrôle a priori sur la politique de dépenses publiques, sur le rythme et les mesures politiques prises pour réduire à terme la dette publique. Pour atteindre ces objectifs, il recommande le relèvement de l’âge de la retraite, l’interdiction de certains choix fiscaux, des politiques de contrôle des salaires (norme salariale impérative), une politique favorisant les investissements (maintien des intérêts notionnels par exemple). L’injonction, sur la façon de réduire dette et déficit, porte uniquement sur des perspectives de réductions des dépenses (sauf s’il s’agit de « sauver » les banques) et condamne d’éventuels projets de nouvelles recettes (en particulier s’il s’agissait d’augmentation d’impôts sur les revenus des capitaux). Cela a pris la forme d’une loi européenne, sans débat public. En résumé, l’austérité n’est plus un choix et n’a plus de limite dans le temps, elle devient la règle… On transforme ainsi en loi le transfert grandissant des revenus du travail vers les revenus du capital. 

La façon dont la Commission va mesurer les politiques des États membres pour veiller au respect des traités, se matérialise dans des dispositifs extrêmement détaillés tout au long de l’année, et traduit l’augmentation du pouvoir de contrôle de la Commission européenne sur les budgets nationaux, L’Union européenne vient par là d’ouvrir une nouvelle ère que l’on pourrait qualifier de post-démocratique… • Juillet 2012 - Entrée en vigueur du Mécanisme européen de stabilité économique (MES). Succédant au Fonds européen de stabilité financière (FESF), le MES est une disposition européenne supplémentaire créée sous la forme d’un accord intergouvernemental en dehors de la structure propre de l’UE, ce qui évite à un certain nombre de pays de devoir passer par la voie référendaire pour faire adopter le MES. L’intervention du fonds en faveur d’un État est conditionnée au respect de la « règle d’or » c’est-à-dire du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), par lequel les États bénéficiaires se sont engagés à prendre des mesures précises, faute de quoi l’octroi du prêt ou l’intervention sur le marché primaire de la dette (l’achat des titres de dette nouvellement émis) sera refusé : « Le MES peut fournir à un membre […] un soutien à la stabilité, subordonné à une stricte conditionnalité adaptée à l’instrument d’assistance financière choisi. Cette conditionnalité peut prendre la forme, notamment, d’un programme d’ajustement macroéconomique ou de l’obligation de continuer à respecter des conditions d’éligibilité préétablies. » 

Le contrôle du respect des conditions strictes pour qu’un pays puisse bénéficier du Fonds d’aide européen est exercé par le FMI (Fond monétaire international). 

Les conditions de l’intervention du MES ont été clairement formulées par Jean-Claude Trichet (président de la Banque centrale européenne de 2003 à 2011) : « Si un pays n’applique pas suffisamment les accords, alors les autorités européennes doivent pouvoir prendre le pouvoir dans ce pays ». 

Trichet proposait en plus la mise en place d’un ministre européen des Finances ayant un droit de veto sur le budget des États membres… 

• Prévu en 2013- Le Pacte budgétaire européen et la « règle d’or », aussi appelé  Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire (TSCG). Globalement il durcit les critères de Maastricht, en particulier en abaissant le seuil maximum de déficit budgétaire toléré de 3 % à 0,5 % du PIB. De plus, ce pacte exige des États membres d’inscrire ces nouveaux critères (« règle d’or ») dans leur Constitution au plus tard un an après son entrée en vigueur. 

Les points clés du pacte budgétaire européen 

• « Règle d’or » budgétaire : les pays s’engagent à un déficit structurel (hors éléments exceptionnels et service de la dette) – d’un niveau maximal de 0,5 % du PIB. Les pays qui affichent une dette en dessous de 60 % du PIB, auront droit à un déficit structurel toléré de 1 %. • Correction automatique : chaque État devra lui-même prévoir qu’un « mécanisme de correction soit déclenché automatiquement » en cas de dérapage important par rapport à cet objectif, avec l’obligation de prendre des mesures dans un certain laps de temps. • Inscription dans la Constitution : la règle d’or devra être inscrite « de préférenc» dans la Constitution. À défaut, un texte de loi suffira si sa valeur juridique garantit qu’il ne sera pas remis perpétuellement en cause. L’Allemagne a dû accepter cette concession, car de nombreux pays refusaient de modifier leur Constitution. Malgré cette précaution, l’Irlande a annoncé la tenue d’un référendum sur le sujet. • Sanctions de la Cour de justice européenne : la Cour de justice européenne vérifiera la mise en place de la règle d’or. Elle pourra être saisie par un ou plusieurs États (on se « surveille » les uns les autres…) et au bout du compte infliger une amende allant jusqu’à 0,1 % du PIB du pays fautif. • Sanctions quasi automatiques pour les déficits jugés excessifs : la limite tolérée pour les déficits publics annuels reste à 3 % du PIB. Ce dérapage doit être temporaire. Désormais un pays qui violera cette règle sera exposé à des sanctions. • Suppression de l’aide financière pour ceux qui n’adopteraient pas le pacte : les pays qui décideraient de ne pas appliquer ce pacte ne pourront pas bénéficier du Mécanisme européen de stabilité (MES). Le MES et le pacte budgétaire sont intimement liés dans le sens où un pays qui n’aurait pas ratifié le pacte budgétaire ne pourra pas avoir accès aux fonds du MES.