Ce fut une nomination extrêmement politique: c’est le président Nicolas Sarkozy lui-même qui a choisi le nouveau directeur général de l’Agence française de développement (AFD), Dov Zerah, nommé en conseil des ministres le 2 juin 2010. La candidature de Dov Zerah a été vigoureusement défendue par l’avocat Robert Bourgi, intermédiaire – officieux mais bien connu – entre le président Sarkozy et plusieurs autocrates africains, actuellement l’une des têtes de pont des réseaux de la «Françafrique».
De 1999 à 2002, Dov Zerah était à la tête de l’ancienne CFDT (Compagnie française pour le développement des fibres textiles), privatisée sous sa responsabilité en 2001 pour devenir «Dagris» (Développement des agro-industries du Sud) puis, en 2008, «Géocoton». Aujourd’hui, cette société privée est contrôlé à 51 % par le groupe Advens du patron franco-sénégalo-libanais Abbas Jaber, spécialisé dans l’import-export, et à 49 % par la société française CMA-CGM, compagnie de fret maritime. Le développement de l’agro-business en Afrique, historiquement basé sur des monocultures tournées vers l’exportation, reste toujours cher au cœur de Dov Zerah. A peine arrivé à la tête de l’AFD, il nomme Didier Mercier, jusqu’ici directeur général de Dagris/Géocoton, secrétaire général.
Ses premiers voyages en Afrique en tant que directeur général de l’AFD, confirment les nouvelles orientations de l’Agence dont est porteur Dov Zerah. Le 14 juin, il s’est ainsi rendu au Sénégal pour convenir du financement d’une autoroute et d’un canal. L’autoroute est financée par l’AFD à hauteur de 30 millions d’euros, mais non pas au titre de l’aide, mais par un crédit (remboursable). L’ouvrage est d’ailleurs réalisé par un groupe privé français, Eiffage, ce dernier étant ainsi subventionné par les moyens de l’AFD. Le groupe Eiffage exploitera cette autoroute à péage pendant une durée de 30 ans, en vertu d’un contrat de concession conclu avec le pouvoir sénégalais.
L’AFD avait en 2009 en budget annuel de 6,2 milliards d’euros et employait 1412 agents. Ces dernières années, elle avait une double fonction: donner des financements à des pays pauvres ou «émergents» en vue de réduire la pauvreté – les aides pour atteindre les «Objectifs du millénaire» censés réduire la pauvreté «de moitié» entre 2000 et 2015 – d’un côté; défendre l’influence française dans ses zones d’activité, de l’autre côté. Sous Dov Zerah, qui affirme notamment qu’il faut «sortir de la compassion», c’est clairement le deuxième aspect qui l’emporte sur le premier dernier.
Ainsi le journal Le Monde résume-t-il les objectifs poursuivis par Nicolas Sarkozy, à travers sa nomination: « Il aurait reçu mission de mettre ses milliards au service des intérêts français et moins à des programmes sanitaires et éducatifs.». Un chercheur de l’AFD cité par le quotidien explique ainsi que son nouveau patron «ne parle guère des biens publics mondiaux ou du réchauffement climatique ». Et Dov Zerah lui-même déclare qu’en période d’austérité budgétaire et de moyens réduits, il faut les recentrer «l’Afrique francophone (…), l’ancienne Indochine et les pays où nos troupes sont en action».Bref, c’est «l’aide» au service de l’impérialisme français.
Bertold de Ryon