Les travailleurs européens doivent s’attendre à des attaques redoubléesMalgré les déclarations de Rajoy, l’Espagne a dû se résoudre à faire appel à l’Europe pour sauver son système bancaire. La situation de la 4e économie européenne ne peut qu’aggraver la crise de l’Union. L’Espagne s’enfonce dans la crise : depuis fin 2011, le PIB baisse à nouveau (-0,3 % fin 2011 ; -0,4 % début 2012) et le taux de chômage officiel atteint 23,8 % (en février 2012). Le gouvernement multiplie les coupes dans les dépenses sociales (-7 milliards d’euros dans les dépenses de santé) et a fait voter une contre-réforme du marché du travail en février (donnant plus de pouvoir aux patrons pour licencier et modifier les contrats de travail). Mais cela ne suffit toujours pas à restaurer la profitabilité et donc l’accumulation. L’éclatement de la bulle immobilière (d’une ampleur inouïe) n’en finit pas de produire ses effets sur la solvabilité des banques : la dévalorisation des actifs financiers (notamment les crédits immobiliers non remboursés) possédés par les banques exige une « recapitalisation » massive sur fonds publics : l’État est appelé à la rescousse pour financer les pertes. D’où l’explosion du déficit et de la dette publics (faibles avant le déclenchement de la crise en 2007-2008), et la hausse des taux d’intérêt auxquels l’État s’endette (taux supérieurs à 6 % pour les emprunts à dix ans), car les capitalistes craignent de plus en plus un scénario à la grecque. Et la situation est d’autant plus grave que la fuite des capitaux s’accélère : de plus en plus de déposants vident leurs comptes (privant ainsi les banques espagnoles de précieuses ressources) pour les transférer à l’étranger (notamment en Allemagne). Appel à l’aideAlors que le gouvernement espagnol avait toujours exclu d’avoir recours à une « aide » extérieure, il a dû se résoudre à cette « humiliation » (après la Grèce, l’Irlande et le Portugal), car il n’a plus les moyens de s’endetter à un taux « raisonnable » sur les marchés. Les événements se sont accélérés la semaine dernière : le 5 juin, lors de la conférence téléphonique du G7, les États-Unis ont fait pression pour que l’Europe agisse vite pour renforcer les banques européennes ; le 7 juin, l’agence de notation Fitch a abaissé la note souveraine de l’Espagne de trois crans, estimant que la recapitalisation des banques espagnoles pourrait se situer entre 60 et 100 milliards d’euros (6 à 9 % du PIB). Le 9 juin, un accord était scellé : 100 milliards vont être débloqués par l’Europe (via le FESF - fonds européen de stabilité financière - ou le MES – mécanisme européen de solidarité - qui verra le jour en juillet) pour alimenter, via l’État espagnol, un fonds public de recapitalisation des banques espagnoles. Même si ce plan ne fait pas appel au FMI et ne s’accompagne pas d’un « mémorandum » plaçant la Grèce sous tutelle de ses créanciers, les bourgeoisies européennes vont renforcer leur pression sur l’Espagne. La feuille de route dressée par la Commission européenne est claire : augmenter la TVA pour abaisser les cotisations sociales, relever l’âge de la retraite et flexibiliser encore plus le marché du travail. Extension de la criseCe nouveau plan de sauvetage n’est qu’une rustine supplémentaire pour tenter d’endiguer une crise de la dette qui s’étend désormais à la quatrième puissance de la zone euro, et qui menace directement l’Italie. La bourgeoisie allemande n’a pas le choix : elle doit lier chaque jour davantage son sort à celui des pays les plus fragiles de l’UE (en prêtant massivement) pour éviter un effondrement économique de ces pays aux conséquences incalculables1. Mais elle ne le fera pas sans condition : Merkel parle désormais ouvertement de la nécessité de mettre en place une « union budgétaire fondée sur une politique budgétaire plus harmonisée » impliquant « d’abandonner des compétences à l’Europe ». C’est à cette condition que les fameux « eurobonds » voulus par Hollande trouveraient leur place dans un ensemble qui conjuguerait austérité renforcée, mise sous tutelle des bourgeoisies périphériques de l’UE, et mécanismes de « solidarité ». Austérité pour tousFace à la crise, les gouvernements bourgeois de « droite » et de « gauche » mettent en place la politique exigée par les lois du système : l’austérité. Il leur faut baisser la valeur de la force de travail pour restaurer leurs profits. C’est pourquoi nous sommes anticapitalistes : nous n’échapperons à une régression importante de nos conditions de vie que si nos mobilisations vont jusqu’au bout, jusqu’à la mise en place de notre propre gouvernement qui soit capable d’annuler la dette en remettant directement en cause le pouvoir des capitalistes sur l’économie.
Gaston Lefranc1. « Si l’Espagne se retrouvait dans une situation catastrophique, on pourrait faire une croix sur les banques françaises et allemandes », a déclaré le 10 juin le ministre des Finances luxembourgeois, Luc Frieden.