L’attaque du vendredi 20 novembre contre l’hôtel de luxe, le Radisson Blu, allonge la liste des multiples attaques armées qui ont déjà eu lieu au Mali. Elle met aussi en lumière les difficultés d’un pays confronté à une multitude de groupes armés.
On compterait plus d’une vingtaine de morts et une dizaine de blessés parmi les clients de différentes nationalités et le personnel de l’hôtel situé à l’ouest de Bamako dans le quartier d’affaires ACI 2000.
Le groupe Al Mourabitoune aurait revendiqué cet attentat fait en commun avec al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Le groupe Al Mourabitoune s’était fait connaître par une prise d’otages en janvier 2013 dans un complexe gazier à In Amenas dans le sud de l’Algérie, prise d’otages qui s’était terminée dans un bain de sang après l’intervention de l’armée algérienne.
Kyrielle de groupes armés
Dirigé par Mokhtar Belmokhtar, Al Mourabitoune est né de la fusion de deux formations : « Les signataires par le sang » et le Mouvement pour l’unité du Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) qui, avec AQMI et Ansar Dine, s’étaient emparés du nord du Mali au début 2012, faisant régner la terreur contre les habitantEs. Ces différents groupes continuent à exister et à sévir : Al Mourabitoune avait déjà revendiqué la fusillade le 7 mars de cette année au café-restaurant « La Terrasse » qui fit cinq morts, et quelques mois plus tard, d’autres djihadistes proches cette fois-ci du prêcheur radical Hammadoun Kouffa revendiquaient l’attentat de l’hôtel Byblos dans la ville de Sévaré (à 600 km de la capitale) qui fit treize morts. Dans le nord du Mali, les attaques contre l’armée malienne ou la force militaire des Nations unies, la Minusma, sont fréquentes.
Quoi qu’en dise Le Drian, l’intervention militaire française au Mali – avec l’opération Serval qui s’est transformée en opération Barkhane s’étendant sur l’ensemble de la zone sahélienne du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad – ne parvient pas à stabiliser la région. Quant aux accords de paix d’Alger, ils restent très précaires puisque la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), mouvance indépendantiste qui comprend cinq organisations armées dont le MNLA, a apposé sa signature sous la forte pression, pour ne pas dire la menace, de la communauté internationale. Cette multiplication des mouvements armés se retrouve aussi du côté des loyalistes pro-Bamako, avec l’apparition d’organisations comme le Gatia regroupant les Touareg de la tribu des Imghad ou la Coordination des mouvements et Front patriotique de résistance (CM-FPR) représentant les Peuls et Songhaïs.
Le nord du Mali n’a plus l’apanage des groupes armés. Ainsi dans la région de Mopti au centre du pays, s’est créé le Front de libération du Macina, essentiellement composé de combattants peuls qui se sont radicalisés. Cette organisation a fait allégeance à Daesh, tandis qu’il semblerait qu’à l’intérieur même d’Al Mourabitoune, une aile conduite par al-Sahraoui ait aussi rejoint l’État islamique.
Crise économique et radicalisme religieux
En appliquant les politiques d’ajustement structurel, la réponse du FMI aux crises économiques liées au surendettement a non seulement affaibli les services sociaux des États et plongé les populations dans la misère, mais a aussi laissé le champ libre aux monarchies pétrolières pour implanter un islam wahhabite, via les constructions de mosquées, d’écoles coraniques, la prise en charge financière des imams, et les innombrables structures d’aides sociales. Cet islam rigoriste, pourtant largement minoritaire dans le monde musulman, a envahi nombre de pays africains, permettant une radicalisation favorisée par une absence complète d’avenir pour la jeunesse.
De plus, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta élu le 15 août 2013 avec 77,6 % des voix a déçu, incapable de répondre à la faillite de l’État et éclaboussé de scandales liés à la corruption. Les populations se tournent de plus en plus vers les chefs religieux.
Au nord du Mali, les différents groupes armés, qu’ils soient islamistes ou non, se mènent une guerre sans merci pour contrôler les routes commerciales et de contrebande à travers le Sahel qui restent extrêmement lucratives, notamment le trafic de cigarettes, de drogue ou d’êtres humains. L’agriculture et l’élevage pâtissent de cette insécurité généralisée, appauvrissant encore plus une population fragilisée. En l’absence d’autres activités économiques, beaucoup se laissent recruter par ces groupes qui se construisent ainsi une base sociale.
Il est illusoire de penser qu’une réponse militaire serait pertinente en l’absence d’alternative qui permette aux populations de vivre décemment dans leur région. Et ce qui est valable pour le nord l’est également pour l’ensemble du Mali.
Paul Martial