Publié le Jeudi 7 février 2013 à 12h22.

Mali : le début de l’ensablement ?

Hollande à grand renfort de flonflons tricolores a célébré les troupes françaises qui viennent de conquérir la presque totalité des villes du nord Mali détenues jusque-là par les djihadistes.Si la progression a été fulgurante, c’est bien parce que les djihadistes ont refusé une confrontation qu’ils jugent défavorable au vu de la puissance de feu bien supérieure de l’armée française. Cette situation s’est déroulée à l’identique en Afghanistan. Les troupes américaines avaient conquis le pays en moins de cinq semaines, les talibans s’étaient enfuis dans les montagnes, et Bush dans une mise en scène identique avait fièrement déclaré « mission accomplie ». C’était en 2003.Au Mali à partir des massifs montagneux d’Ifoghas, les djihadistes s’apprêtent à opérer une guerre d’usure qui risque de toucher cette fois-ci l’ensemble du pays avec des risques de débordement sur les pays voisins, comme en témoigne déjà la dramatique prise d’otages d’In Amenas en Algérie.La situation risque de vite se dégrader au détriment des populations. En effet, le harcèlement des djihadistes va engendrer une spirale de violence dont les civils vont faire les frais, d’autant que les armées africaines, censées remplacer les troupes françaises, sont pour la plupart inefficientes. Et l’armée tchadienne et nigériane n’ont jamais brillé en matière de respect des droits humains.Des troupes appelées à resterC’est ainsi que François Hollande a évoqué dans son discours de Bamako la possibilité d’un stationnement des troupes françaises au Mali. Ce ne sera pas la première fois qu’une intervention française joue les prolongations. L’armée française est toujours présente au Tchad au titre de l’opération Épervier qui a débuté… en 1986 !Plusieurs organisations de défense des droits humains parlent d’exactions de l’armée malienne en évoquant une vingtaine d’exécutions sommaires à Sevaré, Mopti et Niono. Adama Dieng, conseiller de l’Onu pour la prévention des génocides, s’inquiète des possibles dérives. Amnesty international a interpellé le ministère de la Défense concernant la mort de cinq personnes dont trois enfants par les bombardements français. Le ministère dément, malgré les nombreux témoignages dont ceux de soldats maliens recueillis sur place.Le Quai-d’Orsay est désormais confronté à la question des ­Touaregs. Le MNLA a profité que Kidal et les villes aux alentours soient désertées par les djihadistes pour s’y installer. Dans une lettre ouverte à Hollande, les combattants du MNLA réitèrent leur refus de voir pénétrer l’armée malienne dans cette région. Ainsi, seules les troupes françaises, suivies par l’armée tchadienne, ont pénétré dans cette cité. L’objectif de restaurer l’intégrité du Mali n’est pas aussi simple que prévu. Unité contre la guerre française Pendant que toute l’attention est focalisée sur la situation au nord du pays, la France tente aussi d’imposer ses solutions au sud du pays, la partie la plus peuplée. Derrière les déclarations sur la nécessité d’un dialogue politique se cache la volonté d’un rétablissement de l’ancien régime, comme le déclare sans ambages l’ambassadeur de France à Bamako : « Le front des agitateurs et autres ennemis au Sud est averti : l'armée française n'est pas venue pour amuser la galerie et aucune autre manifestation ne devra être tolérée à Bamako avant la libération du Nord. »1Les organisations de la gauche malienne, politiques, syndicales ou associatives, sont clairement visées. À l’image du grand frère américain en Irak, Hollande, après avoir intégré le vocabulaire de la « guerre aux terroristes », intègre sa méthode : instaurer une « Pax Francia » au Mali, alors que plus on avance dans le temps, plus les réflexions et les témoignages sur le caractère d’urgence de l’intervention au Mali mettent à nu une série de mensonges inhérents au déclenchement de cette guerre néocoloniale.2Désormais, il est temps que toutes les organisations qui ont su garder leur positionnement internationaliste, au-delà des divergences bien compréhensibles, s’unissent et fassent entendre leur voix contre la guerre de la France au Mali. Cette urgence sera le meilleur service à rendre aux populations maliennes dans toute leur diversité.Paul Martial1. http://www.jeuneafrique.com/Article/JA2715p022-031.xml4/mali-armee-francaise-dioncounda-traore-nord-malimali-l-union-sacree-a-bamako-pour-l-instant.html 2. http://www.afriquesenlutte.org/afrique-de-l-ouest/mali/article/mali-un-gros-mensonge-depuis-segou