Environ 1 500 ouvriers et ouvrières agricoles se sont retrouvéEs le 14 décembre à Rabat, devant les ministères de l'Agriculture et de l'Emploi, pour crier haut et fort leur indignation, leur colère concernant leurs lamentables conditions de travail, leur détermination à radicaliser leur légitime combat pour arracher leurs droits. Ils se sont ensuite dirigéEs vers le ministère de l'Agriculture et le Parlement où ils ont organisé un sit-in. Ils étaient venuEs de toutes les régions agricoles du Maroc à l'appel de la Fédération nationale du secteur agricole (UMT).
C'était le point d'orgue d'une campagne menée du 3 au 15 décembre, pour protester contre l’exploitation accrue, les conditions sociales et économiques déplorables vécues par les ouvrierEs agricoles et la discrimination juridique dont ils font toujours l’objet de la part des propriétaires fonciers et des capitalistes agricoles nationaux, français ou espagnols auxquels le gouvernement tente de fournir une main-d'œuvre servile et bon marché.
Succédant à de nombreux conflits, notamment dans les grandes exploitations du Souss (région d'Agadir), cette mobilisation met l'accent sur l'extrême pauvreté et les droits élémentaires bafoués des ouvriers et ouvrières agricoles : - le salaire minimum légal dans l'agriculture est de 60,63 dirhams par jour (5 euros), c’est-à-dire 1 576 dirhams par mois (140 euros), les jours de repos n’étant pas payés. Dans l'industrie et le commerce, le salaire moyen est de 2 431 dirhams (230 euros). - Selon le code du travail, les ouvrierEs agricoles sont censéEs travailler en moyenne 48 heures par semaine contre 44 heures dans l'industrie et le commerce. Mais dans la pratique, ils travaillent plus de 10 heures par jour et dans des conditions très dures (dans les abri-serres à forte humidité et avec des températures élevées, utilisation des pesticides sans protection...). - Les non-déclarations à la Caisse nationale de sécurité sociale privent la majorité de toute couverture sociale et des allocations familiales.- La flexibilité du travail est généralisée par le recours intensif aux entreprises d’emploi temporaire. - Le droit syndical n'est pas respecté, avec l'appui des forces de répression et de la justice. Les ouvrierEs syndiquéEs sont souvent licenciéEs dès la formation de leur bureau syndical, les déléguéEs, premières victimes, puis, à leur tour, ceux et celles qui rentrent en grève de solidarité. - Les conditions de transport vers les exploitations sont dangereuses, dans des véhicules inadaptés, sans assurance, avec la complicité des autorités.- La main-d'œuvre féminine « exportée » vers les champs de fraises en Espagne est l’objet d’un véritable trafic, avec des conditions proches de l'esclavage.
Soulignons-le, encore une fois, des entreprises agroalimentaires françaises et européennes participent à cette exploitation féroce, grâce au statut « avancé » du Maroc vis-à-vis de l'Union européenne. Ces entreprises et ce statut qui induisent, en outre, un développement des cultures intensives d'exportation, pillent les ressources en eau et sont responsables de la disparition des petites exploitations agricoles.
Alain Castan