À l’appel de groupes de jeunes sur les réseaux sociaux et dans un contexte régional et national de contestation, le mouvement dit du 20 février a vu le jour au Maroc. L’appel constitué autour d’un certain nombre de revendications pour la liberté, la dignité et la justice sociale (avec en premier lieu une Constitution démocratique votée par une Assemblée constituante élue démocratiquement), a été rejoint par une vingtaine d’ONG dont l’Association marocaine des droits humains (AMDH) et Attac-Maroc, les principales organisations de la gauche radicale et les deux principaux syndicats, l’Union marocaine du travail (UMT) et la Confédération démocratique du travail (CDT). L’appel du 20 février intervient au Maroc dans un contexte régional marqué par le processus révolutionnaire lancé en Tunisie puis en Égypte ; mais également dans un contexte national où les mobilisations sociales sont importantes depuis des années : révoltes dans les régions marginalisées (Sefrou, Sidi Ifni, Tata…) ; mouvements contestataires contre la hausse des prix, pour le droit à l’emploi, au logement… ; luttes ouvrières contre les licenciements (lutte des 850 mineurs de la Smesi, luttes dans plusieurs usines de l’axe industriel Casablanca – Mohammedia...). Ce contexte de contestation au Maroc s’explique par la crise sociale, la répartition inéquitable des richesses et les atteintes aux libertés qui résultent de décennies de politiques libérales imposées, combinées à la politique répressive, obscurantiste et antisociale du pouvoir en place qui s’est construit un empire économique et financier aux dépens de la satisfaction des besoins élémentaires de la population. Depuis le 20 février, des dizaines de milliers de personnes sont dans les rues. Après une première vague de répression (un mort, des centaines de blessés et d’arrestations), le pouvoir pris de panique a essayé de mettre fin au mouvement en annonçant une série de mesures. Le roi, dans son discours du 9 mars, a promis notamment une révision constitutionnelle, présentée en grande pompe dans les médias comme une avancée « démocratique », alors qu’elle ne répond nullement aux revendications du mouvement de contestation comme en témoignent le cadre et les constantes de cette révision (imposés par le roi dans son discours) : le régime reste monarchique, l’islam religion de l’État, le roi commandeur des croyants, l’unité nationale et territoriale. Le mouvement de contestation n’a pas faibli après les annonces du pouvoir et les manifestations ont continué.Le pouvoir a montré sa véritable nature en répondant par la terreur et l’extrême violence : carnages dans plusieurs villes le 13 mars (des centaines de blessés), intervention très violente à Khouribga face aux jeunes réclamant un emploi le 15 mars… Mais le 20 mars, journée de mobilisation nationale, des centaines de milliers de personnes étaient encore dans les rues, dont 50 000 à Casablanca. Malgré la répression du pouvoir et le silence complice des pouvoirs occidentaux et de leurs médias, la mobilisation continue de plus belle, la contestation ne cesse d’enfler. Ils peuvent arracher les fleurs, ils n’arrêteront pas le printemps rampant !Jeanne Fanton et Mahmoud Tawri