La France s’est refusée à une décolonisation complète de ses colonies dans l’archipel des Comores en maintenant Mayotte dans son giron, provoquant une division responsable de la mort de milliers de ComorienEs qui tentent de rejoindre les côtes mahoraises, et en instituant un climat de haine à l’intérieur de l’île.
Cela faisait plusieurs semaines que des rumeurs persistaient sur une intervention de police de grande ampleur visant à démanteler les bidonvilles installés notamment à Mamoudzou, capitale de Mayotte. Darmanin, le ministre de l’Intérieur, confirmait cette l’opération connue sous le nom de « Wuambushu » signifiant « reprise ». À cette fin, escadrons de gendarmerie et de CRS, dont la compagnie 8 connue pour ses méthodes violentes, ont été acheminés sur cette île, vestige du colonialisme français.
Maintenir son empire
La décolonisation de l’archipel des Comores qui comprend les îles d’Anjouan, de Grande-Comore, de Mohéli et de Mayotte a pris un tour singulier. Les Comoriens ont voté pour leur indépendance en 1974. Seule l’île de Mayotte s’est opposée à cette perspective du fait de son antagonisme avec Grande-Comore et Anjouan. Rien d’étonnant à cela. La colonisation des pays africains s’est faite par la violence et la ruse. Les colonisateurs ont utilisé et nourri les rivalités qui existaient entre royaumes, clans, monarques ou grandes familles régnantes. Afin que les puissances coloniales ne profitent pas de ces divisions pour dépecer les pays lors du processus de décolonisation, l’ONU, dans le point six de sa déclaration du 14 décembre 1960, précise : « Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations unies ». C’est précisément ce que la France a fait.
En usant de l’argutie du droit à l’autodétermination des peuples, Paris a maintenu ses intérêts stratégiques de « grande puissance ». En effet la France, avec ses confettis d’empire, possède, après les USA, le plus grand domaine maritime du monde.
Le prix à payer
Pour maintenir le statut quo, les autorités françaises n’ont pas hésité à mener une politique agressive vis-à-vis des Comores en utilisant des mercenaires comme Bob Denard pour mettre au pas les dirigeants de l’archipel.
Les conséquences de cette politique sont désastreuses. Les Comoriens, avec l’instauration du visa Balladur, ne peuvent plus se rendre légalement à Mayotte. Seule solution, utiliser les « kwassa-kwassa », barques de pêche locales, occasionnant de nombreux morts. Les estimations du Sénat français font état d’un millier de noyéEs par an.
Dans l’île de Mayotte, les habitantEs ont été victimes d’un jeu de dupes. Ils et elles ont accepté de se départir de leur mode de vie, d’abandonner leurs coutumes, et de se conformer autant que faire se peut aux lois de la République pour bénéficier d’un niveau de vie et des prestations sociales équivalents à la métropole. Les espoirs ont été déçus puisque dans tous les domaines, Mayotte, devenu le 101e département, reste et de loin le plus pauvre de France. En effet, trois personnes sur quatre vivent sous le seuil de pauvreté.
Avenir menacé
L’économie de Mayotte est avant tout marquée par une inégalité sociale grandissante, entre expatriés métropolitains, élites locales et reste de la population. Principale victime, la jeunesse qui représente près de 60 % des habitantEs. En l’absence d’une politique de formation et d’insertion sociale, la grande majorité des jeunes se retrouvent en déshérence. CertainEs se réfugient dans l’économie de survie, le travail informel, d’autres forment des bandes menant des activités plus ou moins légales et parfois très violentes. Ce délitement social est renforcé par la politique coloniale qui a instauré une ségrégation sociale entre ComorienEs et MahoraisES pourtant issus du même archipel. Les ComorienEs à Mayotte sont perçus par nombre de MahoraisES comme une menace tant sécuritaire que sociale. Des véritables milices se forment pour les expulser des « bangas », ces taudis qui forment les bidonvilles de l’île. Ces expulsions se déroulent sous le regard bienveillant des autorités françaises. En menant l’opération « Wuambushu », Darmanin et consorts ne font que conforter ces sentiments de haine qui pourraient déboucher un jour ou l’autre sur des conséquences tragiques de grande ampleur.