Inspirés par la révolution tunisienne, les Égyptiens tentent depuis le 25 janvier d’obtenir le départ de Moubarak. Malgré les atermoiements des États-Unis, les annonces démagogiques du gouvernement et les attaques des milices de Moubarak, les insurgés de la place Tahrir poursuivent le mouvement et ont besoin d’un soutien international. La fuite en catastrophe de Ben Ali a suscité une immense joie et un immense espoir pour toutes celles et ceux qui rêvent d’un monde démocratique, égalitaire, où les richesses seraient partagées, et débarrassé de toute tyrannie. Ainsi, c’était possible et l’utopie commençait à prendre corps !
Se prenant à rêver d’un scénario semblable, les manifestants de la place Tahrir au Caire brandissaient des panneaux « Moubarak dégage ! » Mais l’analogie s’arrête là, le dictateur égyptien s’accroche au pouvoir et ses partisans s’organisent. La valse hésitation de la Maison Blanche alternant, depuis trois semaines, admonestations envers la dictature et larmes de crocodile versées pour ses victimes, cache mal l’embarras du gouvernement des USA devant les choix stratégiques urgents que la Révolution égyptienne l’a conduit à faire. C’est l’avenir de tout le dispositif impérialiste au Moyen-Orient qui se joue aujourd’hui sur la scène égyptienne, dont la possible remise en cause des accords de Camp David et son corolaire, l’avenir de l’État d’Israël dans ses structures actuelles. Lâcher ou pas Moubarak ? Le dilemme n’est pas tranché et les différentes rumeurs savamment entretenues de départ imminent du dictateur, de solutions transitoires pacifiques et démocratiques, de formation d’un gouvernement provisoire partiellement épuré des ex-ministres PND, ne sauraient masquer la tentative contre-révolutionnaire en cours. Au moment même où sur les chaînes de télévision pro-gouvernementales, des annonces démagogiques sont faites par Moubarak lui-même (augmentation de 15 % des salaires et des retraites), la terreur des bandes armées du pouvoir s’organise. Composées le plus souvent de policiers en civil et d’hommes de main recrutés à bas prix, elles attaquent les habitants des quartiers populaires, détruisent les biens, infiltrent les comités de quartier, et s’en prennent aux manifestations. Les arrestations de militants des droits de l’homme et du mouvement ouvrier se multiplient. L’état de siège en vigueur pourrait permettre à la dictature de traduire tous ces militants devant des tribunaux militaires. Sur fond d’une xénophobie affichée, des journalistes étrangers sont tabassés, emprisonnés, voire disparaissent ! Alors que les manifestations continuent à rassembler des millions de personnes, le gouvernement joue la carte du pourrissement, la désolidarisation d’une partie du peuple calmé par les promesses du pouvoir, utilise l’épouvantail des Frères musulmans, compte sur l’épuisement, la peur et l’intimidation pour sauver sa peau. Place Tahrir, rendez-vous des insurgésInsensibles à la fatigue et aux intimidations en tous genres, les insurgés de la place Tahrir ne faiblissent ni en nombre ni en détermination. Bien au contraire, après avoir mis en échec, mercredi 2 février, les tentatives des miliciens pour reprendre la place, et après les grandes manifestations du vendredi 4 février dans les plus grandes villes du pays, leur moral est au plus haut. La présence permanente de milliers de Cairotes sympathisants a permis depuis trois semaines de rendre le couvre-feu caduc et d’organiser l’autodéfense permanente de Tahrir, à la fois centre névralgique et laboratoire de la révolution. Alors que la gauche réformiste, certaines ONG et la direction politique des Frères musulmans négocient leurs places dans un futur gouvernement provisoire, des structures syndicales indépendantes du régime se mettent en place (enseignement, impôts, retraités, techniciens de la santé, notamment). Une coordination politique large, animée (entre autres) par des militants révolutionnaires sortis récemment de la clandestinité, mais aussi par des militants des droits de l’homme, des ouvriers, des écrivains ou des artistes, cherche une issue loin des tractations institutionnelles en cours. Les revendications portées par le mouvement peuvent se décliner ainsi : une augmentation générale des salaires accompagnée de la mise en place d’un Smic à 1 200 livres, le salaire médian étant aujourd’hui de 600 livres, l’indemnisation du chômage, la défense de la sécurité sociale, le droit au logement, la gratuité scolaire réelle, la reconnaissance du droit syndical. Sur le plan politique : non à la transition, départ immédiat de Moubarak et fin de la dictature, interdiction du PND, dissolution des milices, mise en place d’un processus constituant sous contrôle populaire ! Plus que jamais, les militantes et militants du NPA doivent être en première ligne dans le soutien à la révolution égyptienne. Moubarak dégage ! À bas l’impérialisme ! Pouvoir populaire ! Alain Pojolat