Le 6 septembre, l’ouragan Irma s’abattait sur la Caraïbe et dévastait plusieurs îles, parmi lesquelles Saint-Martin et Saint-Barthélemy. S’il est impossible d’établir à l'heure actuelle un bilan définitif des dégâts humains et matériels, une chose est sûre : la tragédie vécue par les populations locales s’est accompagnée de plusieurs mensonges d’État(s).
Les données des instituts météos donnent une idée de l’ampleur de la catastrophe : un ouragan dont la superficie a atteint 330 000 km2 (soit 0.6 fois la superficie de la France métropolitaine), des vents à plus de 350 km/h, des vagues de 12 mètres… Irma est rien moins que « l’ouragan le plus puissant jamais enregistré dans l’Atlantique », pour reprendre le titre d’un article du Monde.
Le « climatoscepticisme » est un mensonge criminel
Pour Dominique Bourg, de l’Université de Lausanne, cité par le journal suisse Le Temps, impossible de ne pas lier le phénomène à celui du changement climatique : « avec cette nouvelle série d’ouragans, qu’on peut faire débuter par le typhon Haiyan qui avait frappé les Philippines en 2013, on a franchi un nouveau stade. Les températures moyennes planétaires ne cessent de grimper et les phénomènes liés s’aggravent. » Un avis très largement partagé dans la communauté scientifique.
Mais une semaine plus tôt, après le passage de la tempête Harvey sur le Texas, les « climatosceptiques » de l’administration US refusaient toujours de reconnaître l’évidence, à l’image de Scott Pruitt, à la tête de l'Agence de protection de l’environnement : « les médias opportunistes utilisent des événements comme celui-ci pour, sans preuve, évoquer des liens de cause à effet au lieu de se concentrer sur ce dont les gens ont besoin. » Un peu plus tôt en août, Trump annulait par décret une décision de 2015 exigant que les nouvelles constructions en zones côtières menacées prennent en compte la montée du niveau de la mer…
Le refus de prendre en compte les effets du réchauffement et d’adopter des dispositifs contraignants pour le contenir n’est pas un simple « scepticisme » : c’est un mensonge d’État criminel. Et ceux qui, tout en tenant des discours teintés de vert, refusent de prendre à bras-le-corps la lutte contre le réchauffement et de s’opposer aux intérêts des multinationales de l’énergie, de l’industrie et du transport, sont complices de ce mensonge. Macron et son gouvernement, malgré leurs « Make the Planet Great Again » et autres fadaises, sont de ceux-là.
Abandon des populations locales : le gouverneMENT
Le pouvoir français n’est pas seulement complice, mais aussi coupable de mensonge. En visite à Saint-Martin et Saint-Barthélemy le 12 septembre, soit une semaine après le passage de l’ouragan, Macron a ainsi osé déclarer ce qui suit : « l'État s'est parfaitement organisé. (…) L'anticipation a été conforme à ce qui se fait habituellement mais on ne peut pas anticiper ce qui n'est pas anticipable. » Une déclaration faite à Saint-Martin, à 95% détruite, où les populations abandonnées sont livrées à elles-mêmes, faute d’anticipation réelle avant une catastrophe qui, n’en déplaise à Macron, était prévisible. Dès le 31 août, le Centre états-unien des ouragans (NHC) avertissait ainsi que l'ouragan Irma, alors au large des côtes de l'Afrique, était « extrêmement dangereux », et la protection civile d'Haïti l'évoquait sur son compte Twitter.
Nous reprenons donc à notre compte les mots du Groupe Révolution socialiste (GRS) de la Martinique : « Si gouverner c’est prévoir, on ne peut que condamner l’État français pour son inertie, son absence de mesures préventives (coûteuses), puisque au vu des informations existantes – par ses propres services entre autres – personne et surtout pas lui, ne pouvait être pris par surprise. Aujourd’hui, faute d’avoir pris les mesures qui, en amont, auraient été les seules efficaces face aux scènes à la fois de désarroi et de rapines, c’est en catastrophe que l’État français tente d’apporter des réponses (sécuritaires notamment) au demeurant dérisoires à une population globalement démunie. »
Une gestion coloniale
Élie Domota, syndicaliste guadeloupéen, a abondé dans le même sens : « Quand on connaît l’intensité de l’ouragan, quand on connaît sa trajectoire, on prédispose un certain nombre de moyens humains, matériels, dans la zone caraïbe, que ce soit en Guadeloupe, à Marie-Galante ou en Martinique pour tout de suite pouvoir être acheminées après le sinistre. C’est seulement [le 10 septembre] que l’on a entendu Mr Collomb dire qu’il envoyait des groupes électrogènes, des hôpitaux de campagne, ceci ou cela… »
Le gouvernement a en réalité privilégié l’envoi de militaires, qu’il a justifié par un discours autour des « pillages », destiné à déplacer l’attention de la situation humanitaire vers la situation sécuritaire en amalgamant d’une part saisie, par la population démunie, de produits de première nécessité et, d’autre part, actions de bandes armées profitant du chaos pour semer la terreur. Au-delà des mensonges, c’est la triste réalité coloniale qui ressurgit : focalisation première sur le « retour à l’ordre », aucune prise en compte des besoins réels des populations, sans même parler des témoignages selon lesquels les touristes et les métropolitains auraient été évacués en priorité. En résumé, et pour citer de nouveau Élie Domota : « une gestion coloniale de la catastrophe ».
Julien Salingue